Dossier d’œuvre architecture IA22017538 | Réalisé par
  • enquête thématique régionale, L'architecture gothique en Bretagne
Abbaye, Kérity (Paimpol)
Œuvre étudiée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Bretagne - Paimpol
  • Commune Paimpol
  • Lieu-dit Kérity
  • Dénominations
    abbaye
  • Genre
    de chanoines de Prémontré
  • Vocables
    notre-dame
  • Parties constituantes non étudiées
    cloître, lavabo de cloître, salle capitulaire, hôtellerie, bâtiment conventuel

L'ensemble monastique

Le plan de Beauport reproduit à peu de choses près en image inversée, celui de l´abbaye fondatrice de la Lucerne, en Normandie, lui-même fortement inspiré par le modèle cistercien. On y retrouve en effet le réfectoire situé à l´opposé de l´église, au nord avec l´annexe des cuisines. Comme à la Lucerne, ce réfectoire est construit sur un premier niveau abritant un grand cellier. Le côté ouest du cloître abritait le bâtiment des frères convers avec grande salle et parloir voûtés au rez-de-chaussée et dortoir au-dessus, le côté est, la sacristie, la salle capitulaire, un passage vers les champs et le chauffoir ou scriptorium, surmontés du dortoir des moines. Si l´on prolonge le parallélisme entre les plans des deux abbayes, la fonction du grand bâtiment situé en dehors de la clôture, au nord-est du cloître et appelé depuis le XVIIe siècle «salle au duc» pourrait bien être une hôtellerie-infirmerie. Les dispositions d´un canal couvert pour évacuer des latrines intégré dans ce même bâtiment, ainsi que la présence de plusieurs niches disposées à intervalles réguliers dans le mur nord de la salle, pouvant être directement liés à cet usage.

Les matériaux de construction

Les matériaux employés à Beauport sont particulièrement intéressants ainsi que l´effet recherché. L´essentiel du gros oeuvre est construit en moellons de grès et de schistes de différentes couleurs allant du gris foncé au rose en passant par le vert, semblables à ceux que l´on retrouve dans le grand manoir proche de la Roche Jagu à Ploézal.

L´emploi des pierres de taille est significatif de l´évolution du chantier, on y reconnaît successivement :

- Une pierre verte plus ou moins sombre, à grain serré, relativement dure, d´origine éruptive, passant pour venir de Bréhat, souvent appelée serpentine ou syénite, qui est en fait une dolérite (Louis Chauris) a été employée dans l´église abbatiale pour les grandes arcades, les colonnes, les culots et les chapiteaux, ainsi que les piédroits intérieurs des fenêtres hautes permettant d´obtenir, en contraste avec le reste des murs en moellons enduits, un effet de bichromie, semblable à celui recherché à la même époque par des grands édifices anglais (cathédrale de Salisbury). Cette même pierre, dont l´emploi à Beauport serait unique en Bretagne, est utilisée dans les arcades et les nervures des voûtes de la salle capitulaire, l´arc de la porte des champs, l´arc d´accès au réfectoire, associée à du calcaire ainsi que le lavabo du cloître où elle est associée à du granite.

- Un granite local très répandu, beige rosé, employé pour la façade ouest de l´église, toutes les faces externes des baies hautes, les contreforts et les arcs-boutants, ainsi que les vestiges mal remontés au XIXe siècle du cloître du XVe siècle.

- Un calcaire dur à grain serré d´importation, assimilable à la pierre de Caen, employé essentiellement pour les baies du réfectoire, il se retrouve sur les vestiges des nervures des voûtes de la nef de l´église.

- Un grès rose ou violacé, employé presque exclusivement en moellons que l´on retrouve également non loin de Beauport dans la maçonnerie du grand logis de la Roche-Jagu, reconstruit au début du XVe siècle.

- A ces quatre matériaux, il convient d´en ajouter un cinquième, remarquable, employé de façon très parcimonieuse : il s´agit d´un marbre fossilifère à lumachelles dit de Purbeck, provenant du Dorset en Angleterre. Selon des témoignages du XIXe siècle, les trois colonnes monolithes de la salle capitulaire étaient taillées dans ce matériau ; elles ont été remplacées par des colonnes en ciment moulé, et seule subsiste en place celle de l´ancien parloir, dans l´aile des convers. Cette pierre, inconnue en Bretagne, employée pour les colonnettes du cloître du Mont Saint Michel, était importée d´Angleterre où son emploi le plus spectaculaire encore visible se trouve dans les colonnes de la cathédrale de Salisbury (note cf article de...).

Le répertoire ornemental : accents normands et particularismes bretons

La coexistence de l´arc en plein cintre et de l´arc brisé dans des parties de même époque est une des particularités de Beauport, déjà remarquée au début du XIXe siècle par le chevalier de Fréminville qui, à tort, y voyait la marque du retard stylistique de l´art breton alors qu´il faut plutôt y reconnaître une forte imprégnation normande. Plus encore, les lignes de croisettes qui soulignent les arcs de la salle capitulaire, les culots coudés employés dans la nef de l´église ainsi que dans la salle capitulaire sont des éléments empruntés à la Normandie.

Prosper Mérimée, dans sa description de l´abbaye en 1835 (cf Mérimée, Notes de voyages pp) met l´accent sur le caractère particulier du dessin des baies. Selon un principe normand, visible par exemple à l´abbaye d´Hambye ainsi qu´au chevet de Coutances, abondamment repris dans les édifices d´outre-Manche, ainsi qu´en Bretagne dans les fenêtres hautes de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon, les lancettes inscrites dans l´arc principal ont leurs arcs tangents à ce dernier, et à la différence du modèle français, ne libèrent pas d´écoinçons. Cette disposition caractéristique est bien visible sur les trois baies subsistantes de la façade occidentale ainsi que sur la fenêtre haute de la première travée de nef au sud.

Dans les différentes parties de l´abbaye, au moins trois styles de chapiteaux sont l´expression de la progression du chantier.

- Une première forme à corbeille quasi verticale, présente dans l´église, à la croisée, les travées le splus proches de celle-ci et les bras de transept, se retrouve identique dans plusieurs ouvertures du cloître, la porte communicant avec le collatéral nord de l´église, l´entrée de la salle capitulaire et celle du chauffoir. Tous ces chapiteaux dans lesquels subsistent des accents de la fin du XIIe siècle appartiennent à une première campagne, du premier quart du XIIIe. Ces chapiteaux à corbeille unie ont quatre feuilles à peine détachées dont l´extrémité enroulée en corne à « oeilleton » caractéristique se retrouve sur le portail de la Lucerne, de la fin du XIIe siècle. Leur style qui se rattache au premier quart du XIIIe siècle, rappelle ceux de Coutances et de Hambye, deux grands chantiers normands d´importance, contemporains de la construction de Beauport que les chanoines prémontrés de la Lucerne, fondateurs de Beauport et bâtisseurs de la nouvelle abbaye, ont naturellement présentés comme références.

- Une deuxième forme à corbeille plus évasée et crochets marqués depuis la base, plus proche du standard français est employée dans les parties hautes de la nef, à la retombée des voûtes ainsi qu´au fenêtres hautes, elle se retrouve dans les vestiges du premier cloître remontés au XVe siècle pour marquer le nouvel escalier d´accès au réfectoire.

- Les chapiteaux du réfectoire à tailloirs polygonaux et corbeille sculptée de feuillages tournants, légèrement renflés à leur partie supérieure, qui sont datables de la fin du XIIIe ou du commencement du XIVe siècle.

D´élégants motifs sculptés, en feuillages stylisés, entrelacs, ponctuent les retombées des arcs de la nef qui déterminent le choeur conventuel. On retrouve l´expression de ce style sur le chapiteux qui marquent l´entrée de la salle capitulaire.

Les restaurations et les remontages

- Le contrebutement d´origine de la nef de l´église retombait à l´aplomb des murs des collatéraux. Il subsiste un témoin de cette disposition primitive à l´angle du bras et du collatéral nord, de même qu´au droit du milieu de la nef. Ce système dut assez rapidement être insuffisant et deux énormes piles recevant une double volée d´arcs ont été ajoutés sur le côté sud du cloître vers la fin du XVe siècle, sans doute en même temps que l´on reconstruisait ce dernier.

D´importantes reprises ont été faites, probablement au XVIIe siècle, au collatéral nord, en particulier le percement d´une série de baies en demi lune, prenant jour par dessus le toit du cloître.

Enfin, comme beaucoup d´ensembles monumentaux tombés en ruines à la fin du XVIIIe siècle, Beauport a connu au XIXe une vogue romantique qui s´est traduite par un aménagement «pittoresque» ainsi qu´un remontage de certains éléments disparates rassemblés sans véritable souci archéologique. Plusieurs chapiteaux ont alors été intégrés dans un escalier extérieur situé dans l´angle du bras nord du transept et de l´ancienne sacristie, permettant un accès direct depuis aux appartements aménagé à l´étage au XVIIIe siècle, dans l´ancien dortoir des moines jusqu´au jardin.

Comme le confirme une charte de 1203, l´abbaye actuelle, fut déplacée de l´îlot de Guirvinil, site d´un premier ermitage de Saint Riom, occupé par une petite communauté de moines de saint Victor, à peu de distance dans la baie de Paimpol, pour s´installer dans le site de « bellus portus », sur l´emplacement présumé d'une résidence des comtes de Penthièvre. Cette terre donnée par le comte Alain d´Avaugour, est confiée dès l´origine aux Prémontrés de la Lucerne en Normandie qui bâtissent à Beauport un nouveau monastère dont le plan est inspiré des modèles cisterciens.

La majorité des bâtiments paraît avoir été assez rapidement construite durant la première moitié du XIIIe siècle, à savoir : l´église, à l´exception de la travée ouest et de la façade occidentale, le quadrilatère du cloître y compris ce dernier, sauf le réfectoire. Il semble qu´il faille situer avant la fin du XIIIe siècle l´achèvement de l´église, si l´on en croit une tradition qui attribue à l´abbé Michel Gautier, avant 1280, la commande des stalles et des boiseries du choeur.

Au début du XIVe siècle, la façade occidentale de l´église est déjà construite, sans doute aussi le réfectoire au dessus du cellier, puis une infirmerie-hôtellerie, appelée «salle au duc», ajoutée au nord-est du quadrilatère conventuel, en dehors de la clôture, peut-être sur les fondations d´une ancienne résidence comtale. C´est alors que l´on entoure l´ensemble des bâtiments et les jardins d´une digue de protection contre les fortes marées. En même temps, est édifié le logis abbatial, dans le prolongement du réfectoire ; il sera détruit au milieu du XVIIIe siècle.

Les travaux du Moyen-Age s´achèvent au XVe siècle par la construction de la porterie, à l´ouest de l´abbaye (détruite vers 1880), puis la reconstruction partielle du cloître.

Vers le milieu du XVIIe siècle, une importante restauration est entreprise : l´étage des deux ailes des moines et des convers, à l´est et à l´ouest du cloître, est surhaussé, entièrement réaménagé et surmonté d´un étage de comble.

L´église abbatiale :

Le parti de plan

L´église dont le sanctuaire et le bras de transept sud ainsi que le collatéral sud ont disparu au début du XIXe siècle, présente une nef de six travées. Le choeur aujourd’hui détruit pouvait comporter deux travées et se terminer par un chevet plat percé d´une grande maîtresse-vitre, si l´on en croit l´inventaire du mobilier de l´église à l´époque révolutionnaire, qui signale dans le fond du sanctuaire un grand retable. Le bras nord du transept a conservé sa disposition à deux chapelles orientées accolées et communicantes, ouvertes sur la première travée du choeur. Selon le modèle cistercien adopté par les prémontrés et les chanoines augustins, les trois travées de la nef qui touchent la croisée correspondent au choeur des chanoines : leurs arcades ont d´ailleurs conservé les traces d´un mur fermant ce choeur conventuel jusqu´à la naissance des arcs. Plus précisément il semble que ce premier choeur conventuel ait été contenu dans la quatrième et la cinquième travée de nef, à l´exception de la celle précédant immédiatement la croisée, si l´on en croit la demi colonne et son chapiteau à crochets subsistant à cet endroit, d´un modèle semblable à celles qui marquent contre la face ouest de la troisième pile l´entrée de ce même choeur conventuel. Cette disposition se retrouve dans plusieurs abbayes bretonnes dont l´architecture fut influencée par le modèle cistercien (Paimpont, saint Mathieu de Fineterre, Bon repos...). Les deux travées suivantes devaient recevoir les convers. La première travée, sensiblement plus large et probablement la seule accessible aux fidèles au Moyen-Age, ouvrait largement sur les collatéraux pour leur permettre d´approcher des autels installés dans les chapelles des bras de transept.

Les élévations

L´examen des matériaux mis en oeuvre, ainsi que des différences dans le traitement des chapiteaux, permettent de déterminer la construction de l´église du chevet vers la façade occidentale en trois phases qui s´étirent entre la première moitié du XIIIe siècle et le tout début du XIVe.

Le traitement épuré des piles de plan carré de la croisée, de même que celui des arcs en tiers point subsistant, dont l´intrados est fourré de moellons, rappellant le principe constructif des arcs de la Lucerne, entraînent à situer cette partie de la construction dans les premières décennies du XIIIe siècle. Une disposition originale, propre à Beauport se remarque à l´entrée du choeur : la chapelle qui lui est tangente y communique par une large arcade identique à celles de la nef. Le choeur lui-même, réduit à deux travées n´avait si l´on en croit les dessins précis effectués par Alfred Ramé au XIXe siècle que deux baies latérales, et surtout une grande et unique maîtresse-vitre, affirmation précoce d´une formule promise en Bretagne à un riche avenir et qui sans doute dut inspirer l´architectures de plusieurs édifices trégorrois et bretons du XIVe et Xve siècles.

Au niveau des trois travées de la nef les plus proches de la croisée, dans les parties hautes des murs, l´examen des départs de voûtes montre que des saignées ont été pratiquées après coup dans la maçonnerie de moellons pour faire passer les colonnettes recevant la retombée des voûtes. A la rencontre des piles, les assises de ces colonnes non liées avec celles des extrados des arcs, indiquent une reprise postérieure à la première campagne de construction.. A l´extérieur, le même phénomène d´incrustation après coup se constate au niveau des contreforts de ces trois travées ; de plus, les arcs boutant du XIIIe siècle ne sont présents qu´au droit d´une travée sur deux. Celui proche de la croisée est rejoint sur une unique et importante culée commune par un autre arc-boutant partant du milieu du bras de transept. Cette disposition encore parfaitement conservée au nord, du côté du cloître est directement inspiré par le contrebutement du choeur de Coutances. Les deux arcs-boutants à doubles volées qui retombent sur d´énormes culées, du côté du cloître au droit des deuxième et quatrième piles de la nef, sont des ajouts du XVe siècle. L´ensemble de ces détails permet d´imaginer que, dans un premier temps du moins la nef de l´église ne fut pas prévue voûtée, mais que, rapidement, en cours de chantier s´est imposée la solution d´un voûtement de pierre.

L´élévation à deux niveaux de la nef, également reprise de la Lucerne, est un autre emprunt indirect au modèle cistercien. La naissance des voûtes à la base des fenêtres hautes, soulignée par un bandeau continu, inscrivait celles-ci dans des sortes de lunettes dont le dessin était beaucoup plus aigu que celui des arcs transversaux. Pour l´essentiel et sans doute pour plus de légèreté, ces voûtes semblent avoir été construites en calcaire tandis que les piles et les arcs sont entièrement taillés dans une roche volcanique, une dolérite verte, issue selon Louis Chauris d´un gisement proche à Plouézec. Les angles des piles de la nef sont marqués par de fines colonnettes à chapiteaux peu évasés qui présentent une grande qualité d´exécution. Les fenêtres hautes prévues dans un premier temps avec un traitement aussi soigné pour leur parement externe et interne, comme l´atteste un témoin conservé dans le mur ouest du bras nord, furent ensuite pourvues de parements externes en granite simplement chanfreinés, puis au delà de la troisième travée en partant de la croisée, perdent leur parement intérieur en diorite et leurs colonnettes. A cet égard les baies de la quatrième travée en partant de la croisée représentent un élément de transition : leur piédroits intérieurs en dolérite sont ornés de colonnettes, tandis que leurs arcs en granite sont dépourvus de toute mouluration. C´est cette dernière formule qui fut finalement employée pour le revers des fenêtres hautes des deux dernières travées à l´ouest. A l´extérieur, les dimensions inégales des fenêtres hautes depuis la croisée jusqu´à la façade occidentale corroborent cette évolution du chantier. Les lancettes des trois travées les plus proches de la croisée, les plus basses, ont leur sommet aligné avec celles du bras nord, celles des deux travées suivantes ainsi que les grandes baies de la première travée montant jusqu´au sommet des murs gouttereaux. Cette différence est un élément supplémentaire qui étaie la chronologie du chantier de l´église du choeur vers le bas de la nef et sa réalisation par étapes successives) Enfin, au sommet des murs gouttereaux, une ligne de corbelets de pierre devait soutenir une corniche rudimentaire non moulurée, disposition également reprise des modèles normands.

La façade occidentale est la seule partie de l´église traitée en pierre de taille de granite à l´exclusion de tout autre matériau. La superposition des deux fenêtres et l´importance de la baie supérieure éclairant les combles au dessus des voûtes ne trouvent guère d´équivalent qu´en Grande Bretagne, comme par exemple au chevet de l´église de Ripon - à cela rien d´étonnant si l´on sait les nombreux biens et paroisses que possédait l´abbaye outre-Manche, en particulier dans le comté d´York -, à un moindre degré sur les pignons de la cathédrale de Dol ainsi qu´au chevet de l´église de la Roche-Derrien, édifice construit au cours du XIVe siècle et dont l´architecture doit beaucoup à celle de Beauport. Cette façade présente plusieurs caractères qui permettent de la situer vers la fin du XIIIe siècle. La mention dans les archives de l´abbaye d´une commande des stalles par l´abbé Michel Gautier vers 1280, semblerait indiquer qu´à cette date la construction de l´église était achevée. Les chapiteaux du portail à corbeille légèrement écrasée, l´absence de colonnettes et de chapiteaux dans la composition des baies, le tracé anguleux des lancettes et l´épure des réseaux aux accents anglo-normand à base de trilobes et de quadrilobes, annoncent ici probablement dans le dernier quart du XIIIe siècle les prémisses du style trégorrois. Il en est de même, au revers, de l´arrière voussure de la grande fenêtre, dont les rouleaux chanfreinés rentrent directement dans les ébrasements, disposition jusqu´alors inédite, largement utilisée dans les baies gothiques bretonnes au XIVe siècle.

Le portail central dont le tympan a disparu, ce qui explique l´arrière voussure descendant plus bas que le sommet de son arc, est une citation d´une autre importante fondation des Prémontrés, celle d'Ardenne près de Caen. La disposition particulière des colonnes en délit passant devant des ébrasements à suite de colonnette et arcatures trilobées transcrit ici de façon simplifiée le portail ouest de l´abbaye normande. Des photographies anciennes du portail d´Ardenne, permettent, malgré sa transformation au XVIIIe siècle, d´y restituer deux portes en tiers point et un trumeau central : c´est probablement la forme originelle du portail de Beauport qui a du comporter, à l´instar de son modèle normand, deux portes géminées séparées par un trumeau de pierre.

Les bâtiments conventuels

Le cloître.

- Il est aujourd´hui presque entièrement détruit. Seuls subsistent, ancrés tout au long des murs du quadrilatère, les corbelets destinés à l´accrochage de son toit en appentis. Dans son angle nord-ouest, deux séries de colonnes géminées coiffées de chapiteaux à crochets et d´un tailloir unique, remployées et surmontées d´arcs trilobés, sans doute au XVe siècle pour ménager un deuxième accès au réfectoire, sont les seuls vestiges du cloître primitif du XIIIe siècle. Une porte d´origine, en plein cintre, conservée en place dans l´angle opposé, au nord, permet d´imaginer que les arcades de ce cloître gothique, étaient sans doute en plein cintre (Un exemple normand de cette forme, le cloître de l´Abbaye Blanche à Mortain). Enfin, les deux arcades et demi en accolade écrasée qui occupent maladroitement l´intervalle entre deux culées d´arc-boutants du côté sud, accusent un style tardif, guère antérieur au début du XVIe siècle

Le lavabo, en appareillage mixte de granite et de dolérite verte est un des éléments majeurs du cloître de Beauport. Constitué de trois arcades, il présente un décor simple mais élégant à base d´arcatures et de roses, dont le nombre et la répartition, différents d´une arcade à l´autre, répondent à une symbolique évidente pour l´époque. Dans l´arcade de droite, la rosace à quatre lobes rappelle les quatre vertus cardinales, dans celle de gauche, une rosace à trois lobes évoque les trois vertus théologales, tandis que la rosace centrale, à sept lobes fait la somme des deux.

La salle capitulaire

- Son plan à deux nefs et abside à pans coupés inspiré de celui de la Lucerne (redécouvert après fouilles), se retrouve à Hambye dans le même diocèse de Coutances. Les deux arcs de l´entrée, comme celui du passage vers les jardin qui les suit immédiatement au nord, sont ornés d´une ligne de croisettes directement empruntée à la façade de la Lucerne, et retombent sur une file de cinq colonnes dont les chapiteaux à corbeille peu évasée sont semblables à ceux des parties hautes de l´église. Cette salle est avec l´église et la « salle au duc », construite au XIVe siècle, une des seules parties de l´abbaye couverte de voûtes nervurées ; les autres salles n´étant couvertes que de simples voûtes d´arêtes. Les voûtes dénuées d´arcs formerets retombent à la périphérie sur des colonnes interrompues, elles-mêmes portées par des culots coudés. Les trois colonnes centrales, ainsi que leurs chapiteaux ont été remplacées au XXe siècle par des copies modernes, en ciment teinté. Les colonnes d´origine éteint en marbre à lumachelles importé de Purbeck en Angleterre.

Le chauffoir ou scriptorium

- Cette partie, actuellement en ruine fermait au XIIIe siècle l´angle nord-est du quadrilatère des bâtiments conventuels en formant une saillie vers le nord. Comme le montre son pignon nord flanqué de contreforts, le bâtiment appelé « salle au duc », qui est venu se plaquer contre ce pignon lui est postérieur.

Le cellier et le réfectoire

- Cette partie des bâtiments monastiques de Beauport a déconcerté les historiens par son style qui pose de nombreux problèmes de datation. Quoi qu´il en soit, le principe d´un réfectoire surélevé sur un cellier demi enterré, certainement d´origine, est là aussi repris des anciennes dispositions de la Lucerne.

A l´extérieur, sur l´élévation nord, l´absence de correspondance, entre l´ordonnance des ouvertures et des contreforts du cellier où la pierre de taille employée est le granite et au dessus le rythme continu des baies du réfectoire, entièrement en calcaire de Caen suggère deux campagnes distinctes qui pourraient se situer à la charnière des XIIIe et XIVe siècle. Les contreforts à empattement, les portes d´origine du cellier, la principale en plein cintre à l´ouest ainsi qu´une porte secondaire, en arc segmentaire, au milieu de la longère nord, peuvent dater de la deuxième moitié du XIIIe siècle, de même que les colonnes à bases et chapiteaux octogones et corbeille lisse.

A l´étage, la différence de forme entre les baies du réfectoire, toutes construites en calcaire de Caen, en plein cintre du côté de la mer, et en tiers point du côté du cloître ne fait que reprendre l´association permanente entre les deux formes que l´on retrouve dans le reste des l´édifice. La couverture en charpente, aujourd´hui disparue, a permis un fenestrage presque continu au nord seulement interrompu par l´aile des cuisines. La qualité des chapiteaux à feuillages tournants, qui ornent les arcatures du côté nord, fut relevée et fidèlement restituée par Alfred Ramé au XIXe siècle dans ces notes et ses dessins. Le style de ces chapiteaux, rappelle, dans une version plus fine due en partie au matériau employé celui des parties hautes de la nef de la cathédrale de Tréguier et permet de les situer dans la première moitié du XIVe siècle.

La salle au duc

- Situé hors de la clôture, ce bâtiment composé d´une grande salle voûtée à deux cheminées que surmontait à l´origine une deuxième salle couverte d´une charpente lambrissée devait être une hôtellerie-infirmerie dont le niveau inférieur était dévolu aux pèlerins et l´étage aux hôtes de marque, usage probable qui lui valut son appellation de «salle au duc». La présence à l´intérieur de cette salle près de l´angle nord-ouest d´anciens contreforts du pignon nord de l´ancien chauffoir confirme la datation postérieure de ce bâtiment dont certains aspects archaïques ont pu tromper. Ainsi les lancette en tiers point des baies géminées en granite du rez-de-chaussée, rappellent le XIIIe siècle, mais la mise en oeuvre des arcs, en deux moitiés affrontées, bien différente des arcs clavés de la première campagne de construction, ne saurait lui appartenir. De même, à l´intérieur, la retombée des voûtes sur des culots coudés, ainsi que les chapiteaux à crochets des cheminées, s´ils s´inscrivent dans la tradition du XIIIe siècle, sont toutefois d´une facture légèrement grossière qui trahit une exécution plus tardive. A l´ouest, un massif ajouté sans doute au XVe siècle, auquel ses trois arcades ont valu le nom de « petit cloître », devait abriter un escalier de bois permettant l´accès à la salle de l´étage.

  • Murs
    • granite
    • calcaire
    • grès
  • Toits
    ardoise
  • Couvrements
    • voûte d'ogives
    • voûte d'arêtes
  • État de conservation
    vestiges, restauré
  • Statut de la propriété
    propriété d'un établissement public de l'Etat
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Éléments remarquables
    lavabo de cloître, réfectoire, salle capitulaire

Site classé.

Bibliographie

  • HABASQUE (M). Notions historiques, géographiques, statistiques et agronomiques, sur le littoral du département des Côtes-du-Nord, Saint-Brieuc, 1832-1836. 3 vol, Saint-Brieuc, 1832-1836. 3 vol

  • BRAUNWALD (Jean), “ L’abbaye de Beauport ”, dans Congrès archéologique de France, 107e session, 1949, Saint-Brieuc, Paris, 1950,

  • CHAURIS (Louis), « Recherches préliminaires sur la provenance des pierres de construction à l’abbaye de Beauport », dans Les Cahiers de Beauport, n° 10, 2004, p. 4-20.

     

  • Jean-Jacques Rioult, «Nouvelles observations sur l’abbaye de Beauport», SHAB, Congrès de Paimpol, 2013, p. 547-568

Date(s) d'enquête : 2006; Date(s) de rédaction : 2006, 2020