Le Parlement de Bretagne, emblématique bâtiment de Rennes depuis son installation définitive en 1561, après avoir alterné pendant sept années avec Nantes, se trouve au cœur de la ville. Créé en mars 1553 par Henri II, il est l'une des institutions majeures de la région sous l'Ancien Régime. L’étude se concentre sur cet édifice et sur ceux qui y ont travaillé : les parlementaires, des magistrats exerçant une fonction judiciaire. Leur mission consiste à juger les appels d’affaires civiles ou criminelles et à enregistrer les édits royaux. Cette fonction est répartie entre quatre chambres : la Grand’ Chambre, la Chambre des Enquêtes, la Chambre des Requêtes et la Chambre de la Tournelle, spécialisée dans les affaires criminelles. Pour gérer ces chambres, environ 110 parlementaires sont nécessaires. Lors de la première séance en 1554, ils ne sont que 39 : 4 présidents, 32 conseillers, 2 avocats généraux et un procureur général. Cette évolution numérique témoigne de l’enjeu social majeur qui entoure cette cour. En effet, pour intégrer le Parlement, il est nécessaire d’acheter une charge, représentant un investissement important, réservé aux plus fortunés. Ainsi, jusqu’en 1678, le Parlement attire la noblesse et la haute bourgeoisie, concentrant de grandes fortunes. Cependant, en 1678, il ne suffit plus d’être riche : il faut désormais être de « noble extraction ». Cette condition distingue le Parlement de Bretagne des autres parlements provinciaux et fait de ses parlementaires une élite nobiliaire particulière parmi les 20 000 nobles bretons. Les parlementaires forme de véritables dynasties, entretenant au maximum des alliances internes à ce milieu, et constitue à la fois une élite sociale et financière. Au 17e siècle, bien que cette noblesse parlementaire affiche une image urbaine, elle possède environ la moitié des grandes seigneuries de la Haute-Bretagne. Les parlementaires sont en réalité très attachés à leurs résidences de campagne, sources de revenus fonciers. Ils s'attachent à bâtir de beaux châteaux ou à réhabiliter des manoirs familiaux pour marquer de leur nom le territoire. C’est le cas du château de Bogard, situé à Quessoy, réalisé par Guillaume-François La Noüe de Bogard vers 1780. Faute de moyens pour bâtir un château neuf, il réhabilite un manoir du 16e siècle. Il transforme ainsi son manoir Renaissance, marqué par des éléments défensifs, en un château classique Louis XVI, influencé par la franc-maçonnerie, la physiocratie et l’architecture de Versailles. Ces châteaux permettent aux familles parlementaires de matérialiser leur statut à travers la pierre, et c’est dans cette dynamique que l’étude se propose d’explorer.
Cette étude prend une nouvelle dimension au regard du drame du 4 février 1994, lorsqu'un incendie dévastateur frappe le Parlement de Bretagne, sous les yeux des Rennais et des passants. Cet incident permet au palais de sortir de l’ombre et d’engendrer un renouveau historiographique, en particulier sur ses aspects architecturaux. En revanche, les études historiques se concentrent principalement sur le palais et la ville de Rennes. Ainsi, les demeures de campagne des parlementaires bretons, moins prisées que les hôtels particuliers urbains, sont souvent abordées dans des monographies ou dans des recherches sur des courants architecturaux, sans être étudiées en tant qu’entités distinctes. C’est pourquoi, la Région Bretagne engage une étude d’Inventaire sur les châteaux de parlementaires entre 1553 et 1790, et cela à l’échelle régionale. L'objectif est de renouveler la connaissance de ces édifices, témoins de l’histoire sociale et économique de la noblesse bretonne, puis de définir une typologie des châteaux parlementaires.
Depuis plusieurs années, certains propriétaires de ces châteaux, réunis au sein d’un groupe de travail, mènent une réflexion à ce sujet. Ce groupe inclut également Gauthier Aubert, historien et professeur à l’Université de Rennes 2, ainsi que Christophe Amiot, architecte en chef des Monuments Historiques. La possibilité offerte par la Région Bretagne d’encourager la construction de partenariats autour de projets d’études portés sur le territoire a été l’opportunité d’engager un partenariat entre l’association Vieilles Maisons Françaises (VMF) regroupant une majeure partie des propriétaires des châteaux étudiés, l’Université Rennes 2 qui permet de mobiliser des étudiants et la Région Bretagne. Une convention étoilée entre les trois parties vise à engager une étude pluriannuelle sous la forme d’un mémoire universitaire couplé à un stage intégré au sein du service régional de l’Inventaire. Ce mémoire s'inscrit dans une méthodologie d’Inventaire avec la réalisation de dossiers intégrés à la base de données régionales.
Le travail est organisé par phasage et se divise en plusieurs années, chaque phase étant consacrée à un groupe de châteaux répartis géographiquement par département. Ce découpage facilitera l'analyse d'un ensemble de 173 châteaux identifiés. Bien que ce découpage puisse sembler anachronique au regard du sujet, il permet néanmoins de le traiter par des unités géographiques cohérentes. Ainsi, le premier volet (année 2024-2025) est consacré aux châteaux parlementaires des Côtes-d’Armor qui possède 38 demeures identifiées dont une vingtaine feront l’objet d’une étude plus approfondie. L’étude est confiée à Flavie Dupont, étudiante en deuxième année d’un master Histoire, Civilisations et Patrimoine double parcours : Médiation du Patrimoine, de l’Histoire et des Territoires (MPHT) et parcours Histoire Sciences-Sociales (HSS).
(Enquête thématique régionale, Inventaire des demeures parlementaires en Bretagne - les châteaux de parlementaires en Côtes-d'Armor, Flavie Dupont, 2025)
Etudiante à l'Université Rennes 2, master 2 Histoire, civilisations et patrimoine double parcours Histoire et Sciences-sociales et parcours Médiation du Patrimoine de l'Histoire et des Territoires.
Dans le cadre d'une étude sur les châteaux parlementaires costarmoricains pour la réalisation d'un mémoire de recherche historique sur les châteaux habités par des parlementaires bretons. En partenariat avec l'association VMF et la Région Bretagne.