Dossier thématique IA29131807 | Réalisé par
Lepage Anna (Rédacteur)
Lepage Anna

Étudiante en Master Restauration et Réhabilitation du Patrimoine bâti et des sites à l'Université Rennes 2, années 2024-2025

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  • enquête thématique régionale, Inventaire des ateliers ruraux liés à la Société linière du Finistère
Inventaire des ateliers ruraux liés à la Société linière du Finistère

Dossier non géolocalisé

  • Aires d'études
    Bretagne Nord

Le lin et le chanvre ont largement contribué à la prospérité de la Bretagne. Leur culture et leur transformation ont nourri, du XVIe au XVIIIe siècle, une économie florissante grâce à leurs fibres, utilisées principalement pour la fabrication de toiles. La région devient alors l’une des premières provinces toilières de France : les toiles de chanvre équipent une grande partie des marines européennes, tandis que les toiles de lin sont exportées vers l’étranger. Cependant, les conflits opposant la France aux puissances européennes, à partir du XVIIe siècle, ferment progressivement les marchés extérieurs et amorcent le déclin des manufactures bretonnes. Un sursaut industriel se produit néanmoins au XIXe siècle avec la mécanisation des ateliers de tissage, de filature et de teillage. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le remplacement de la voile par la vapeur dans la Marine, conjugué à la concurrence des filatures de coton du Nord, accélère le recul de l’usage du lin et du chanvre.

Cependant, après les guerres de la Révolution et le retour à un climat plus apaisé, un commerce des toiles « renaît » en Bretagne. Les négociants, véritables moteurs de la production et de l’organisation des manufactures, prennent alors l’initiative de réunir les ouvriers, en particulier les tisserands,  dans des ateliers ruraux. Ces regroupements marquent une étape décisive dans le passage d’un système de production domestique, éclaté et artisanal, vers une forme plus structurée et centralisée qui annonce l’industrialisation. 

Dans le Finistère, cette dynamique s’accompagne d’une mobilisation de capitaux mais aussi d’un appel à des savoir-faire extérieurs : savoir-faire agricoles, techniques et commerciaux venus des pays du Nord, auxquels s’ajoutent les compétences d’ouvriers anglo-saxons aguerris au travail mécanique. Une petite communauté écossaise vient d’ailleurs s’installer à proximité du site industriel, contribuant à ce transfert de compétences. C’est dans ce contexte que, le 31 janvier 1845, plusieurs négociants du Finistère choisissent de s’unir pour former une société en nom collectif : la Société linière du Finistère. Elle réunit MM. Heuzé, Goury et Radiguet, négociants de Landerneau, M. Homon, négociant de Morlaix, et M. Le Roux, négociant de Landivisiau. Le but est clair : mettre en commun leurs ateliers, répartis jusque-là sur différents territoires, afin de produire davantage et de ne pas entrer en concurrence les uns avec les autres. 

Chaque négociant apporte ainsi à la nouvelle société des « ateliers ruraux » qui, auparavant, travaillaient indépendamment, mais qui vont désormais apprendre à conjuguer leurs efforts, à mutualiser leurs savoir-faire et à intégrer progressivement de nouvelles machines pour améliorer la productivité. Ces ateliers ruraux figurent dans les statuts de la Société, rédigés dès 1845. Toutefois, il convient de noter que certains ateliers recensés dans le cadre de l’inventaire actuel ne figurent pas parmi les apports initiaux : ils ont été acquis ou loués au nom de la Société dans un second temps, après sa constitution, comme ce fut sans doute le cas pour le potentiel atelier de Guimiliau ou encore pour le moulin du Stang. La Société linière du Finistère est dissoute en 1891, après quarante-six années d’activité, en raison du déséquilibre croissant entre une production trop importante et une demande en déclin.

  • Période(s)
    • Principale : 19e siècle, 2e moitié 19e siècle , daté par source, daté par travaux historiques

Au cours de cet inventaire, douze ateliers ruraux liés à la Société linière du Finistère ont pu être étudiés. Il s’agit des moulins de teillage de Pont-Pol (Plourin-lès-Morlaix) et du Stang (Plougoulm/Saint-Pol-de-Léon), des ateliers de tissage de Ploudiry, Sizun, Commana, Saint-Sauveur, Landivisiau (deux sites), ainsi que du potentiel atelier de Guimiliau. S’y ajoutent les magasins et ateliers de tissage installés dans l’ancien couvent des Capucins à Landerneau, ainsi que les blanchisseries de Plourin-lès-Morlaix, Landivisiau et Landerneau.

L’étude a mis en évidence une typologie récurrente dans les ateliers de tissage de la Société. Ces bâtiments, construits de plain-pied, adoptent un plan allongé qui permet d’aligner efficacement les métiers à tisser. À cet espace de production s’ajoute souvent une maison d’habitation pour le contremaître, comprenant une chambre et une crèche. Cette disposition traduit une volonté d’encadrer en permanence le travail et d’organiser le site de manière hiérarchisée. Ce schéma architectural se retrouve dans plusieurs ateliers de tissage ruraux, notamment à Commana, Sizun et Ploudiry (les autres n’ayant pu être localisés). Leur implantation, toujours à proximité immédiate des bourgs, facilitait l’accès des ouvrières, qui venaient des campagnes et villages alentour.

L’inventaire a également permis de mieux comprendre les nouveaux fonctionnements de l’industrie linière après l’industrialisation. La mise en place des moulins de teillage au XIXe siècle en est un bon exemple : en remplaçant le teillage manuel, ils exploitent la force hydraulique déjà maîtrisée pour démultiplier la production. De la même manière, l’organisation du travail en ateliers permet de centraliser de former des tisserandes et d’optimiser leur activité, tandis que les blanchisseries sont elles aussi industrialisées pour accroître les rendements. Ces évolutions témoignent du passage d’un savoir-faire ancestral, reposant sur des gestes manuels, à une logique industrielle plus efficace et rationalisée.

La Société linière fonctionne alors comme une « usine dispersée », au lieu d’être concentrée dans une seule manufacture, la production est répartie entre plusieurs ateliers et établissements, répartis dans une même région. Le lin est ainsi teillé à proximité des zones de culture, envoyé ensuite à la filature de Landerneau, blanchi dans les différentes blanchisseries, tissé dans les ateliers ruraux, puis regroupé et conditionné dans les magasins des Capucins à Landerneau avant son exportation par le port.

Toutefois, certains ateliers mentionnés dans les statuts de la Société n’ont pas pu être localisés ou n’existent plus aujourd’hui. C’est le cas des deux ateliers de tissage et de la blanchisserie de Landivisiau, des deux blanchisseries de Plourin-lès-Morlaix, ainsi que de l’atelier de Saint-Sauveur. Quelques informations ont néanmoins pu être rassemblées, permettant parfois de situer approximativement leur emplacement et de connaître le nombre de tisserandes qui y travaillaient, même si leur position géographique exacte reste incertaine (voir annexes).

Documents d'archives

  • 1S 6. Registre journal, p. 48-49, 1867-1868.

    Archives municipales de Landerneau : 1S 6

Bibliographie

  • BLAVIER, Yves. La Société linière du Finistère, Rennes, Presses Universitaires de Rennes,1999, pp.12-102.

  • BLAVIER Y., La Société linière du Finistère. Ouvriers et entrepreneurs à Landerneau au XIXe siècle, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 1999, 247p. 

Annexes

  • Blanchisseries Plourin-lès-Morlaix
  • Les ateliers de Landivisiau et de Saint-Sauveur
Date(s) d'enquête : 2025; Date(s) de rédaction : 2025
(c) Région Bretagne
(c) Lin et Chanvre en Bretagne
Lepage Anna
Lepage Anna

Étudiante en Master Restauration et Réhabilitation du Patrimoine bâti et des sites à l'Université Rennes 2, années 2024-2025

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