Le promontoire du Royau et son aménagement

PINOT, Jean-Pierre, extrait de "Rapport sur l'évolution du littoral autour de la Baie de Lannion et sur la côte de Granit Rose, SMVM de la Baie de Lannion", Brest : Laboratoire de Géographie de la Mer, UBO, 1993.

"Perché sur un massif rocheux aplani, et sur les formations de galets anciens qui l'ont agrandi, le village du Royau n'était autrefois que quelques maisons de pêcheurs à proximité d'un petit havre d'échouage protégé des houles d'Ouest et de Nord-Ouest par les rochers du Corbeau et de Roc'h Louet Du. Éloignés de tout, et se débrouillant par eux-mêmes, les pêcheurs du siècle dernier avaient transformé le milieu pour en augmenter la surface utilisable, ou en améliorer les qualités.

C'est ainsi que le long du trait de côte ils avaient favorisé les atterrissements de galets sur le flanc Est de leur presqu'île, en plaçant quelques blocs en guise d'épi, et en déversant leurs déchets sur la racine du cordon de galets qui part vers le Royau : on voyait en 1960, dans la coupe de ce cordon de galets (qui à cette époque était entaillé en falaise) que sur plus d'un mètre d'épaisseur il était formé d'un mélange de galets et de débris de pots, d'assiettes, de vieilles ferrailles ; l'un des assiettes, à la base, était de style Napoléon III, ce qui permet de dater l'époque où le cordon s'étoffait, alors que plus tard il a repris son recul. Malgré cela, cette coupe est fortement rubéfiée, ce qui pourrait faire croire qu'il s'agit des restes d'un cordon pléistocène. La rubéfaction est due simplement à l'abondance des galets de diabase, riches en fer, et à quelques déchets de ferrailles.

Surtout, les pêcheurs avaient empilé sur le haut de l'estran des blocs et des gros cailloux pour protéger leurs bateaux, et ils avaient ainsi créé, juste derrière la queue de comète, un "port" très original, dont il n'existe à ma connaissance aucun équivalent sur les côtes occidentales de la France (je n'ai vu quelque chose de comparable qu'en Méditerranée, sur les côtes de Croatie, mais c'est une mer sans marée, et les conditions sont donc très différentes), formé de 6 ou 7 compartiments, chacun de la taille à abriter une barque de pêche, séparés les uns des autres par des môles de pierre.

La plus grande partie de cet aménagement est aujourd'hui détruite ou ensablée, mais il en reste quelques traces, et même sur le plan de la concession d'endigage consentie à la commune pour la création, au même endroit, de deux cales, on discerne encore les restes de l'un des compartiments entre l'emplacement prévu pour une "cale de mi-marée" et le "banc de galets".

Ces aménagements anciens ont donc été remplacés de nos jours par deux cales, l'une en projet, qui serait accessible dès la mi-marée, l'autre construite, accessible seulement à pleine mer, tandis qu'une rampe d'accès à la grève a été pratiquée à travers l'enrochement qui protège et masque l'ancienne falaise. Il s'agit d'ailleurs plutôt d'un déversement de blocs que d'un enrochement.

Le recul de la falaise n'avait pas été très important, et il semble probable que "l'enrochement" était plutôt destiné à prévenir les risques d'effondrement de la falaise sous le poids des véhicules passant à son sommet qu'à lutter véritablement contre la mer".

Remarque : cette analyse de l'histoire et de la situation actuelle du port du Royau représente une "leçon d'aménagement", qui prend en compte et rapporte les connaissances ethno-écologiques d'une communauté traditionnelle de marins-pêcheurs, dont les observations ont pu être évaluées dans la durée ; ce qui construit une "culture littorale".

Extrait du rapport de Le Masson du Parc, 1727. Paris : Archives nationales, C5, Folio 169

"Dans la paroisse de Trévou-Tréguignec, les pêcheurs font "dans la saison du maquereau la pêche de la ligne au doigt et affarent de même avec le chevron.. Le Masson trouve pourtant dans les maisons des cordes ou traînées par fond à la mer .Ces cordes sont de différentes sortes : Les cordes aux hameçons sont de toutes sortes de grosseurs pour les congres, les rayes et le poisson blanc. Ils les tendent à la mer comme nous l'avons souvent expliqués. Les cordes qu'ils tendent à la côte et qu'ils nomment traînées ou trajets ont des hameçons de toutes sortes d'espèces comme les ains et les hameçons des lignes à la mer ou par fond"

Il remarque encore que "les côtes de cette partie de l'Amirauté de Morlaix étant voisines des roches et des isles désertes, tous le pêcheurs se servent de paniers, cages ou berres pour y faire la pêche des congres et poissons à croûtes, ceux de Tréhou [sic.] s'en servent avec leurs batteaux. Au bourg voisin de Tréguignec, ils se servent aussi pour faire la pêche entre les roches de panniers et caziers comme les autres pêcheurs des lieux précédents".

20082205131NUCB : Collection particulière