Dossier d’œuvre architecture IA22133755 | Réalisé par
Lécuillier Guillaume (Contributeur)
Lécuillier Guillaume

Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.

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  • enquête thématique régionale, Inventaire des héritages militaires en Bretagne
Bunker-poste d'observation et de tir dit Tobruk pour mortier, rue Aristide Baudry, La Guette (Pléneuf-Val-André)
Œuvre étudiée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Bretagne - Pléneuf-Val-André
  • Commune Pléneuf-Val-André
  • Lieu-dit La Guette
  • Adresse rue Aristide Baudry
  • Cadastre OH 62
  • Dénominations
    blockhaus, poste d'observation

Construit pour l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale, le bunker de la pointe de la Guette est identifié comme un poste d'observation et de tir dit Tobruk pour mortier de 8,14 cm de calibre. Il abrite des peintures murales - un panorama avec points de repères et instructions de tir - dans un exceptionnel état de conservation. C’est sa transformation en "cave", avec couverture au-dessus de son poste d’observation qui a contribué à sa bonne conservation pendant plus de 82 ans.

Ce bunker a été documenté en 2022 dans le magazine "Rdv Côte-de-Penthièvre" (voir la bibliographie).

Pour éviter les dégradations, l’accès du bunker a été sécurisé par le Conservatoire du littoral en octobre 2025. Dans le cadre du projet de restauration des espaces naturels et littoraux de la pointe de la Guette porté par le Conservatoire du littoral, la maison et les dépendances implantées sur la pointe seront déconstruites, mais le bunker sera conservé et valorisé. La commune de Pléneuf-Val-André souhaiterait pouvoir ouvrir le bunker au public sous réserve de la bonne conservation des peintures murales.

Ce dossier d’Inventaire du patrimoine a été créé par la Région Bretagne dans le cadre de l'Inventaire des héritages militaires. Le bunker n’est pas cadastré comme "élément bâti" et n'a pas fait l'objet d'un relevé topographique : il est simplement géoréférencé grâce aux vues aériennes. Une couverture photographique professionnelle a été réalisée le 17 septembre 2025. Un grand merci à Ludovic Le Bras et au Conservatoire du littoral qui nous ont permis son étude.

Ce bunker a été construit pour l’Allemagne nazie sous maîtrise d’ouvrage de l’Organisation Todt fin 1942 ou dans le premier semestre 1943. Il était classé comme VF, verstärkt feldmässiger Ausbau in Beton qui désigne une construction de campagne renforcée en béton. A l’époque de sa construction, la pointe de la Guette revêt un paysage de lande, mais la maison existe déja (elle figure sur un panorama de tir).

Il était armé par un mortier (Granatwerfer en allemand) de 8,14 cm de calibre. Ce type de pièce d’artillerie à canon court permettait un tir selon une trajectoire courbe, en forme de cloche. Il pourrait s'agir d'un Granatwerfer 34 (8 cm GrW 34) ou d'un Granatwerfer 42 (Kz 8 cm GrW 42). Selon les modèles, la portée de tir est comprise entre 50 et 1 200 m (voire 2 400 m pour le Granatwerfer 34) avec une cadence d’une quinzaine de coups/min. Trois soldats étaient nécessaires à son fonctionnement. L'alphabet cyrillique utilisé dans le panorama de tir nous renseigne sur l’origine ukrainienne de la garnison.

Ce bunker appartenait à l’ensemble fortifié de la pointe de la Guette (également connu comme l'ensemble fortifié des Murs-Blancs) numéroté "La 364" durant la Seconde Guerre mondiale ("La" pour l’ensemble défensif côtier de Lamballe). A proximité, sur le tracé du chemin côtier, le bunker-casemate de type 667 a été étudié en 2003 dans le cadre de l'Inventaire préliminaire des communes littorales du Département des Côtes-d'Armor. Un peu plus haut dans la rue Aristide Baudry, face à une belle demeure sans doute réquisitionnée durant la Seconde Guerre mondiale, a été repéré un petit bunker en construction de campagne destiné à abriter une citerne à eau.

Propriété du Conservatoire du littoral, la pointe de la Guette fait l'objet d'un projet de renaturation : maison et dépendances seront déconstruites, mais le bunker sera conservé et valorisé.

  • Période(s)
    • Principale : 2e quart 20e siècle
    • Secondaire : 2e moitié 20e siècle
  • Dates
    • 1942, daté par travaux historiques
    • 1943, daté par travaux historiques
    • 1944, daté par travaux historiques
  • Auteur(s)
    • Auteur :
      Organisation Todt (1938 - 1945)
      Organisation Todt

      L’Organisation Todt (souvent abrégée en "OT") était un groupe de génie civil et militaire de l'Allemagne nazie. Elle portait le nom de Fritz Todt (1891-1942), son fondateur et dirigeant, ingénieur de travaux publics nommé en 1940 ministre du Reich pour l'Armement et les Munitions. A sa mort le 8 février 1942, ce dernier est remplacé par l'architecte Albert Speer (1905-1981), haut responsable politique et proche d’Adolf Hitler. L'organisation Todt a notamment assuré la construction du réseau des autoroutes du Reich (Reichsautobahnen), de bases aériennes, portuaires, de sous-marins, d’infrastructures pour armes spéciales ou logistiques et de fortifications (Westwall, Atantikwall, Südwall).

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      ingénieur militaire attribution par travaux historiques

Ce bunker-poste d’observation et de tir en béton armé pour mortier est implanté à la naissance de la pointe de la Guette. Il est enterré dans le sol : son entrée se fait au sud depuis la rue Aristide Baudry.

Dalle de couverture et murs périphériques mesurent 40 cm d’épaisseur.

Le bunker se compose d’une chambre d'abri (Unterschlupfraumn ; 2,9 m x 2,14 m x 1,85 m de hauteur) faisant vestibule et magasin à munitions et d’une chambre de combat (Kampfraum) accessible par un petit escalier droit large de 0,8 m doté d’un poste d’observation et de tir à ciel ouvert.

La chambre de combat est de forme octogonale (2,86 m de largeur maximum ; les pans de mur mesurent chacun 1,2 m) ; incliné, le plafond est bas, compris entre 1,6 m (au centre) et 1,29 m (à la périphérie).

Son poste de tir circulaire - en gradin - (1 m de diamètre) permettait aux servants du mortier de tirer à 360°.

Comprendre les instructions et le panorama de tir

Le mortier est une pièce d’artillerie permettant un tir selon une trajectoire courbe, en forme de cloche. Dans un Tobruk pour mortier, les servants sont bien protégés, mais ils n’ont pas de vue directe sur leur objectif. Selon des objectifs définis à l’avance, les tirs indirects étaient donc préréglés. Le panorama avec points de repères et instructions de tir peint dans la chambre de combat permettait d’augmenter la réactivité des servants lors de la mise en œuvre du mortier.

Pour rappel, la chambre de combat est de forme octogonale. Sept des huit pans de mur sont couverts par une graduation en soixante-quatre secteurs numérotés de deux en deux et trois repères cardinaux : "N" et une flèche pour Norden, nord à 0 ; "S" pour Süden, sud à 32 et "O" pour Ost, est à 48.

Le huitième pan de mur est celui du passage d’entrée : on peut imaginer que la porte ou le panneau disposé à cet endroit était également gradué et portait la cardinale manquante : "W" pour Westen, ouest à 16. Pour une lecture facile, les graduations et cardinales sont peintes en blanc sur fond noir.

 0 : "N" pour Norden, nord

 J.8

Drehscheibe 15 1/3 [C’est la "plaque tournante", la "platine" sur laquelle est installée le mortier, elle est réglée à "15 1/3", c’est-à-dire presque vers l’ouest parfait.]

1. Ladung [La "charge", c’est sans doute une référence à la charge propulsive du projectile de mortier]

Erhöhung 1248 bei 350 m [La "hausse", c’est l’angle vertical entre le tube du mortier et l’horizontale.]

Erhõhung 1333 (bei) 275 m

En-dessous se voit un mot malheureusement illisible.

Cette zone de tir, comprise entre 275 et 350 correspond à l’extrémité de la pointe de la Grande Guette.

OP N° 2 [L’abréviation "OP" pourrait signifier Beobachtungspunkt, point d’observation.] 

Drehscheibe 24

2. Ladung

Erhõhung 1244

Au-dessus de l’instruction de tir, se voit l’inscription "Spähtrupp Dahouet" (patrouille de reconnaissance Dahouët) et le dessin d’une maison réalisé au crayon gris.

 

32 : "S" pour Süden, sud

OP N° 3

Drehscheibe 32

2. Ladung

Erhõhung 1359

Le repère figure un groupe de plusieurs maisons, un hameau vers le sud, mais lequel ?

Au niveau de la graduation 38, figure un bâtiment flanqué d’une tour ou d’un clocher (x 2). S’agit-il de la chapelle Notre-Dame de la Garde de Dahouët située au sud-sud-est ?

Au niveau de la graduation 42, figurent un grand bâtiment et une ligne de chemin de fer. S’agit-il de l’Hôtel de la gare du Val-André qui était occupé par l’armée allemande ? A droite du dessin, une inscription a été effacée.

OP N° 4

Drehscheibe 41 1/2

2. Ladung

Erhõhung 1155

Au niveau de la graduation 46, figure une église sur une colline. Il s’agit de l'église paroissiale Saint Pierre et Saint Paul de Pléneuf. La distance mentionnée est "2 450 m". Sous le dessin, on peut transcrire "П л е н н у э ф" en alphabet cyrillique qui signifie, lettre par lettre (translittération française), en ukrainien : "plenouéf", c’est-à-dire Pléneuf.

OP N° 5

Drehscheibe 46

Ladung

Erhõhung

Au niveau de la graduation 48, figure une maison avec une tour sur une colline. Il s’agit vraisemblablement de la Maison dite L'enclos. La distance mentionnée est "500 m". Sous le dessin se voit également une inscription en alphabet cyrillique qui pourrait signifier en ukrainien la colline, la montagne.

OP N° 6

Drehscheibe 46 2/3

2. Ladung

Erhõhung 1366

 

48 : "O" pour Ost, est

Au niveau de la graduation 56, figure la pointe de Pléneuf avec plusieurs maisons implantées au sommet (Château Tanguy) et sur la pente.

Les nombres "362 a" et "362 b"correspondent à l’ensemble fortifié "La 362" ("La" est l'abréviation de Lamballe). Sur cette pointe se trouvent en effet plusieurs bunkers : bunker-observatoire d’artillerie de type 120a dans la pente et bunker-abri de type 622 au sommet.

Les distances mentionnées sont "1850 m" (maison à droite surmontant un mur) et "1750 m" (mur de la cale ?). On peut lire "Д AM БA" qui signifie la digue. On a également "CO л Д at » "qui signifie soldat.

OP N° 7

Drehscheibe 54 1/2 [inscription effacée ; grattée]

2. Ladung

Erhõhung 1307

Au niveau de la graduation 60, figure l’îlot du Verdelet. La distance mentionnée est "2 450 m". Au sommet de l’îlot, on voit la distance "2 500 m" [inscription effacée ; grattée]

OP N° 8

Drehscheibe 60

2. Ladung

Erhõhung

On voit également une inscription en alphabet cyrillique : "остров" que l’on peut traduire par île en ukrainien dialectal.

Conclusion

Les repères peints avec des indices topographiques donnent la direction du tir : ils viennent doubler l’information de la gradation de la plaque tournante (Drehscheibe) du mortier de 0 à 64. Dans certains cas, un mot en ukrainien dialectal vient confirmer le point de repère visuel.

C’est l’angle vertical entre le tube du mortier et l’horizontal (Erhõhung), qui détermine la portée du projectile. Plus ce chiffre est grand, plus le projectile monte haut et par conséquent tombe à courte portée.

 Distances calculées en fonction de l’élévation

1366 = 246 m (OP N° 6)

1359 = 252 m (OP N° 3)

1333 = 275 m (J.8)

1307 : 298 m (OP N° 7)

1248 = 350 m (J.8)

1244 = 353 m (OP N° 2)

1155 = 432 m (OP N° 4)

  • Murs
    • béton béton armé
  • Toits
    béton en couverture
  • Étages
    sous-sol
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier droit
  • État de conservation
    bon état
  • Techniques
    • peinture
  • Précision représentations

    Panorama (paysage avec points de repère) et instructions de tir pour mortier.

    Description du fond : peinture blanche unie sur les murs et au plafond (présence de traces de frottement voire de grattage à certains endroits ; présences de salissures) ; sol brut en béton.

    Description du panorama : traces de travail préparatoire au crayon gris (dessin et lignes pour les inscriptions) ; dessin de la topographie et des repères repassé au pinceau en noir.

    Palette de couleur : teinte ocre brun (unie : rochers et îlot du Verdelet ; tacheté pour les constructions) ; deux teintes de vert : vert/bleu, vert olive/kaki ; mélange des deux teintes (horizon boisé/végétalisé) ; teinte ocre jaune (naissance de la pointe de Pléneuf).

    Inscriptions (numéros et lettres) peintes en blanc sur fond noir (bandeau bas) ou en noir sur fond blanc ou coloré du panorama.

    Graduation peinte en blanc sur fond noir (bandeau bas) ou en noir sur fond blanc (partie haute).

    Alphabets latin (Allemand) et cyrillique (Ukrainien) ; chiffres arabes.

  • Statut de la propriété
    propriété d'un établissement public, parcelle appartenant au Conservatoire du littoral.
  • Intérêt de l'œuvre
    vestiges de guerre, à signaler
  • Éléments remarquables
    blockhaus, poste d'observation
  • Précisions sur la protection

    Non protégé.

Pour ses peintures murales parmi les mieux conservées en Bretagne, le bunker-Tobruk pour mortier de Pléneuf-Val-André mériterait une protection au titre des Monuments historiques ou à défaut d’être signalé dans les documents d’urbanisme (Plan local d'urbanisme de Pléneuf-Val-André).

Documents d'archives

  • Rapport Pinczon du Sel sur les installations du Mur de l'Atlantique (1946-1949). "Le Mur de l´Atlantique. Livre IV : du Mont Saint-Michel à la Laïta" (collection : Service Historique de la Défense du Château de Vincennes). Texte en liasse ; plans et photographies.

    https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/article.php?larub=467&titre=rapport-pinczon-du-sel-sur-les-installations-du-mur-de-l-atlantique

    Service Historique de la Défense du Château de Vincennes : SHDMV MV 2DOC 3

Bibliographie

  • CHAZETTE, Alain, PAICH, Bernard, DESTOUCHES, Alain, BOULARD, Emmanuel. Tobrouk Typologie. Atantikwall - Südwall. Paris : éditions Histoire et fortifications, 2004, 64 p,

  • ROLF, Rudi. Atlantikwall-Typenheft. Atlantic Wall typology. Typologie du Mur de l'Atlantique. Middelburg, PRAK publishing, 2008, 432 p.

Périodiques

  • GLORO, Jean-Pierre. "Pléneuf-Val-André : Un Tobruk aux Murs-Blancs". Rdv Côte-de-Penthièvre, [n° 55, 2022 ?], p. 2-19.

Annexes

  • Le poste d’observation et de tir en béton armé : du Ringstand au Tobruk
Date(s) d'enquête : 2025; Date(s) de rédaction : 2025
(c) Région Bretagne
Lécuillier Guillaume
Lécuillier Guillaume

Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.

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