Dossier thématique IA22133756 | Réalisé par
Schmutz Léa (Contributeur)
Schmutz Léa

étudiante en master REPATS, Université Rennes 2, 2024-2025

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  • enquête thématique régionale, Inventaire des architectures en terre de Saint-Juvat
Les architectures en terre sur la commune de Saint-Juvat

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aires d'études
    Saint-Juvat

L’opération d’inventaire des architectures en terre à Saint-Juvat s’inscrit dans la production d’une synthèse de ce bâti à l’échelle de la Bretagne 

Saint-Juvat est un terreau fertile pour le sujet de la terre crue. En effet, la collectivité a déjà porté plusieurs projets neufs utilisant ce matériau. Nous pouvons citer entre autres la construction de la salle des professeurs en bauge située à l’arrière de l’école ou encore celle de l’abribus toujours selon cette même technique. Elle a aussi engagé de nombreux partenariats avec des acteurs de la filière terre crue comme l’ENSAB. En 2015, l’association A Fleur de Terre est fondée et elle décide d’aller encore plus loin en proposant de tenir une Fête du bâti en terre qui aura lieu par la suite annuellement. Cette fête est l’occasion de tenir des conférences aussi bien que d’organiser des chantiers participatifs. Saint-Juvat est également labellisée « Commune du patrimoine rural de Bretagne » depuis 1988, et son patrimoine en bauge est connu.

Cette opération d’inventaire est l’occasion de réinvestir le territoire, à la suite des précédentes enquêtes, le pré-inventaire de 1986 ainsi que l’opération d’inventaire topographique du Pays des Faluns en 2010, à l’aune d’un nouveau regard sur le matériau terre.

Les édifices n’ont été recensés que lorsqu’il y a certitude de l’emploi de la terre crue dans la construction. Son usage doit être structurel et assez important au sein de l’ensemble. Ainsi, les simples rehausses lors d’une reprise de toiture n’ont pas été comptabilisés tout autant que les bâtiments enduits où l’emploi de la terre n’a pas pu être certifié.

Sur l’ensemble du territoire communal, le bourg et ses nombreux écarts, 326 éléments bâtis ont été recensés avec l’application GLAD.

Cet inventaire permet alors de tirer des conclusions en termes de datation du bâti. 26 édifices remontent au 17e siècle. La plupart sont très remaniés et il est donc possible que d’autres soient aussi anciens mais que les attributs du bâti pouvant nous aider à dater ont disparu. La période la plus représentée est celle du 18e siècle avec 168 architectures recensées et pour le 19e siècle, cela représente 128 bâtiments dont la majorité sont concentrés dans le bourg.

       I.            Caractérisation

L’architecture en terre contribue à l’identité du paysage de Saint-Juvat.

La pédologie qui caractérise la nature d’un sol a révélé une terre favorable à la construction en terre.  Le taux d’argile de la commune est compris entre 15 et 20% et c’est la proportion d’argile idéale pour bâtir selon la technique constructive de la bauge, la seule rencontrée à Saint-Juvat. Ces données accessibles en ligne permettent de croiser les regards et expliquent simplement la présence ou non de constructions en terre sur un territoire.

La terre utilisée en élévation est très caillouteuse donnant une texture particulière aux élévations. Cette abondance de cailloux dans le mélange reflète la richesse du sol et son passé géologique. Les éclats de roche diffèrent selon le lieu d’implantation, on rencontre des galets, des éclats de quartz, de schiste et d’ardoise.   

En outre, les architectures observées présentent une diversité de couleurs. Ces couleurs sont conditionnées par le sous-sol local et la nature de la roche-mère.  La plus distincte est le rouge orangé observé notamment dans le bourg et qui est synonyme d’une teneur importante en oxydes de fer. Par ailleurs, cette spécificité du sol se traduit dans la toponymie avec des lieux-dits nommés Maison Rouge, La Butte rouge. La plupart des édifices ont mis en œuvre une terre dans des teintes ocre-beige. Il est alors difficile de ne parler que d’une terre unique à l’échelle de Saint-Juvat, ce sont bien des terres multiples avec des couleurs et des mélanges variés.

Saint-Juvat est connu pour son usage du calcaire des faluns, très spécifique au territoire mais il se trouve que d’autres pierres ont pu être employées pour bâtir, notamment le schiste, le grès et le granite. Le grès et le schiste vont être présents dans les soubassements maçonnés tandis que le granite va l’être pour l’encadrement des ouvertures. Toutefois, le calcaire reste utilisé en majorité ce qui donne lieu à de multiples mises en œuvre, spécifiques au territoire, rendues possibles par la légèreté de cette pierre. L’exemple le plus courant étant la terre qui vient soutenir le calcaire des Faluns et non l’inverse.

Cet usage associé de la terre et du calcaire des faluns, ressources ultra-locales, est propice au réemploi. Cet emploi mixte des matériaux facilite l’adaptation du bâti au travers par exemple des nombreux remaniements des ouvertures. Cette pratique est également synonyme d’une économie de construction Toutefois, ces alternatives complexifient la lecture du bâti.

Ce matériau disponible en abondance et modulable permet une mise en œuvre variée qui se confirme dans les typologies architecturales rencontrées.

     II.            Typologies et formes du bâti

Les logis associés aux élites rurales comportent des éléments caractéristiques tels qu’une élévation antérieure ostentatoire en calcaire des faluns agrémentée d’ornements sculptés, souvent les lucarnes et les souches de cheminées. La terre, quant à elle, est réservée aux parties moins visibles, à savoir les murs pignons et l’élévation postérieure. Ce sont les édifices les plus anciens du corpus, on peut les faire remonter au 17e siècle.

La typologie la plus rencontrée est celle des fermes. Plusieurs modèles se détachent avec les fermes qui appartenaient aux paysans-marchands et qui ont des caractéristiques se rapprochant des logis cossus. Leur élévation principale est intégralement en pierre. Mais cela évolue avec une maîtrise de l’art de bâtir en terre toujours plus importante au fil du temps. L’abandon de la pierre dans la construction se fait au fur et à mesure et les fermes ont désormais quatre élévations en terre. Nombre d’entre elles sont présentes sur le cadastre ancien de 1833 et donnent lieu à une datation autour du tournant des 18e et 19e siècles.

Faisant partie intégrante de ces fermes, des dépendances de tous types ont été recensées : grange, remise, étable, écurie, toits à porcs, cellier. Celles-ci peuvent être comprises dans un alignement ou indépendantes. Cette dualité entre pierre et terre se rencontre pour les dépendances. Pour les plus prestigieuses d’entre elles, comme la grange située en face d’un logis notable à la Maladrie, disposent d’une élévation principale en calcaire des faluns alors que l’élévation postérieure et les pignons sont en terre.

Une mention particulière pour le moulin de La Bouhourdais, unique exemple de cette typologie, qui dispose d’un corps de bâtiment intégralement maçonné en moellons de grès et de calcaire des faluns avec une extension plus tardive construite en terre dans l’alignement.

La comparaison du cadastre de 1833 et du cadastre actuel témoigne d’une évolution plutôt forte du bourg. Ce qui n’était que quelques maisons rassemblées à proximité de l’église fait aujourd’hui place à un bourg qui a gagné en son sein les lieux-dits les plus proches. Les typologies rencontrées sont le plus souvent des maisons comprises dans des alignements. Elles vont alors reprendre le même principe que les logis cossus, c’est-à-dire une élévation antérieure intégralement maçonnée de pierre et les murs pignons et élévations postérieures en terre. L’emploi de la terre pour les constructions neuves est ainsi attesté tout au long du 19e siècle alors même que d’autres matériaux novateurs comme le béton et le ciment existent. Toutefois, cette continuité d’usage n’est pas d’actualité pour les commandes publiques, la mairie-école et l’école des filles sont exclusivement construites en pierre.

La majorité des constructions rencontrée suivent le principe d’une implantation en alignement où les bâtiments. Synonymes d’économie de construction, ces alignements sont le signe d’une culture constructive ancrée.

L’exemple du Lauriais illustre très bien cette implantation, et la lecture du bâti s’effectue de la manière suivante avec la partie la plus ancienne la plus à gauche, la souche de cheminée ainsi que des inscriptions sur l’élévation antérieure sont des indicateurs d’une construction remontant au 17e siècle, la partie centrale daterait du 18e siècle, et finalement, la partie la plus à droite et plus basse que le reste est construite au cours du 19e siècle. Elle accueille des dépendances et correspond à une évolution des usages liés à l’agriculture.

   III.            Eléments caractéristiques et détails remarquables

L’étude conduite permet de documenter et de rendre compte de l’état des formes et des mises en œuvre.

Les typologies d’ouvertures rencontrées sont très diverses, elles sont le reflet de l’évolution des techniques. De nombreuses ouvertures disposent d’encadrements en pierre de taille, en calcaire des faluns ou en granite. Encore une fois, cette mise en œuvre est permise par les ressources géologiques locales très riches.  Néanmoins, le bois est également très utilisé. Les carrées bois simples sont très présentes. Celles-ci consistent en une menuiserie venant s’insérer directement au centre de la maçonnerie en terre, maintenue par appuis et linteaux qui sont doublés sur ls faces externes et internes du mur. Les carrées bois doubles, nécessitant beaucoup plus de bois, puisque les encadrements sont doublés et disposés au nu intérieur et extérieur de la maçonnerie et ils sont liaisonnés par des clefs. Cette mise en œuvre est moins fréquente et globalement plus utilisée sur des édifices datant du 19e siècle. Une ouverture se démarque sur l’alignement de fermes à la Bouhourdais, Elle dispose d’un cadre extérieur maintenu par des clefs horizontales insérées dans la maçonnerie en terre. Cependant, cette singularité n’est pas forcément synonyme de rareté, puisqu’il est possible que ce soient des formes plus fragiles et qu’elles ne soient pas parvenus jusqu’à nous.

D’autres éléments caractéristiques observés en nombre sont les linteaux communs à deux voire trois ouvertures. Ils sont plus ou moins ouvragés puisque certains prennent la forme d’un arc segmentaire comme à La Herbetais. La logique constructive à travers ces exemples est simple, il s’agit de favoriser une économie de matériaux et de moyens.  

Une autre forme tout à fait remarquable est celle de la lucarne élevée en terre. Trois d’entre elles sont toujours en place sur la commune, mais il est certain qu’elles étaient plus nombreuses. En effet, cette mise en œuvre est très exposée aux intempéries et de ce fait très sensible. L’exemple de l’étable au Bas-Caharel illustre très bien cette problématique puisque les parties en terre sont très érodées. Outre, ces dégradations liées à l’eau, elles ont également fait face aux nombreux remaniements de toitures et nombre d’entre elles ont disparu lors de ces circonstances.

Les enduits ciment venant camoufler les architectures en terre sont utilisés de manière répétée à Saint-Juvat. Ils sont les témoins d’une époque où un changement de perception s’effectue sur ce matériau et attestent de la présence de maçons maîtrisant la mise en œuvre de ce type d’enduit.

Plusieurs maisons en terre du bourg sont représentatives de cet usage. Sur certaines, un réel effort au niveau des décors est proposé. Et ce n’est plus seulement la terre qui est masquée mais également les encadrements d’ouvertures en pierre de taille de granite, pierre extraite localement au Hinglé. Ils viennent complexifier la lecture du bâti et la certitude d’un usage de la terre dans la construction ne peut se faire que lorsque les enduits se détachent comme c’est le cas du K6, située place de l’École où un petit décrochement certifie de la présence du matériau terre.

Des démarches similaires se retrouvent également sur certains écarts avec notamment, une spécificité pour les fermes en alignement à la Bouhourdais où l’enduit imite un appareillage de pierre, soit par des reliefs creusés soit par des décors peints.  Un autre exemple est celui d’un logis situé au Bellain, où cette fois-ci ce n’est pas un enduit ciment mais un parement en granite mise en œuvre après la Seconde Guerre Mondiale qui recouvre l’élévation en terre. Cet édifice a également fait l’objet de nombreux remaniements, que ce soient les ouvertures ou la pente de toit via une rehausse en parpaing de béton, ce qui le rend très complexe à restituer.

Outre, le camouflage de la terre, ces enduits sont particulièrement nocifs pour ce matériau géosourcé.

Date(s) d'enquête : 2025; Date(s) de rédaction : 2025
(c) Région Bretagne
Schmutz Léa
Schmutz Léa

étudiante en master REPATS, Université Rennes 2, 2024-2025

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