Dossier d’œuvre architecture IA56132389 | Réalisé par
Lécuillier Guillaume
Lécuillier Guillaume

Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.

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  • enquête thématique régionale, Inventaire des héritages militaires en Bretagne
Station de déminéralisation de l'eau, niveau intermédiaire entre les premier et deuxième étages, extension sud, bunker Energie-Werk dit bunker usine énergie, accolé au sud du bunker KI (Lorient)
Œuvre étudiée

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton France - Lorient Centre
  • Hydrographies Rade de Lorient Ter (le)
  • Commune Lorient
  • Lieu-dit Bunker "KI" Presqu´île de Keroman
  • Adresse rue du Commandant-L'Herminier
  • Dénominations
    blockhaus, atelier de réparation, usine de produits électrochimiques

L’eau purifiée, c’est-à-dire déminéralisée ou déionisée sert à remplir les accumulateurs électrochimiques. Si les électrodes sont à base de plomb, l'électrolyte ou solution conductrice est un mélange d'eau déionisée et d'acide sulfurique. Dans la centrale électrique se trouvait un appareil électrique pour distiller l’eau servant aux accumulateurs des sous-marins nazis. Après la Seconde Guerre mondiale, la production d’eau déionisée se poursuit ce qui nécessite l’installation de bouilleurs en 1946.

Le local dédié à la déminéralisation de l’eau est mentionné sur un plan de 1965 de la Direction des constructions et armes navales mis à jour en 1979. Il a la particularité d’avoir conservé l’intégralité de ses équipements depuis la fermeture de la base de sous-marins de Keroman en 1997. Les consignes de sécurité au travail et les instructions pour un cycle complet de production d’eau déminéralisée sont d’ailleurs encore affichées sur les murs.

La station de déminéralisation de l’eau abrite un système de déionisation à deux chambres : l’une contenant une résine cationique (fortement acide) capable d'échanger les cations de l'eau par des ions H+ et la seconde contenant une résine anionique (fortement basique), capable d'échanger les anions de l'eau par des ions OH-. L'eau de ville circule d’abord dans la colonne cationique, puis l’eau décationisée s'écoule dans la colonne anionique. A la fin du processus, la pureté de l'eau est évaluée par sa conductibilité ou résistance électrique et par la recherche de chlorures pour éviter le phénomène de corrosion. Une fois traitée, l’eau déionisée est stockée dans des cuves vraisemblablement situées au-rez-de-chaussée (l’une d’elles a une capacité de 30 m3).

L’utilisation de l’eau déminéralisée dans les accumulateurs durant la Seconde Guerre mondiale

C’est l’énergie électrique, stockée dans des accumulateurs, qui permet de faire fonctionner la propulsion et les équipements des sous-marins en plongée. L’Akkumulatoren Fabrik Aktiengesellschaft Berlin-Hagen (AFA, depuis 1962 VARTA) construit tous les accumulateurs de marine (Marine Akkumulator) utilisés dans les sous-marins et les torpilles de la Kriegmarine. Les sous-marins de type VII sont dotés d’accumulateur à 124 cellules ou éléments.

Les accumulateurs sont cependant sources de danger à bord des sous-marins : un taux de charge trop élevé peut générer des quantités excessives d'hydrogène gazeux (gaz explosif) et l'électrolyte réagit avec l'eau de mer en libérant du chlore gazeux toxique. Ces batteries, qui avaient en moyenne une durée de vue de 21 mois en condition de combat, doivent régulièrement être entretenues.

Dans la monographie de la base de sous-marins de Keroman (1945), il est fait mention d’un "appareil électrique pour distiller l’eau servant aux accumulateurs des sous-marins" se trouvant dans la centrale électrique, mais il n’est pas localisé avec précision. D’après le plan de 1945 (annexe du plan K8), l’extrémité est du rez-de-chaussée de l’extension sud abrite un "condenseur" tandis que le premier étage reçoit le "groupe turbo-dynamo". Cette grande pièce est dotée d’un pont-roulant manuel d’une capacité de 10 tonnes.

La déminéralisation de l’eau à Keroman après la Seconde Guerre mondiale

Après la Seconde Guerre mondiale, la production d’eau déionisée se poursuit dans la base de sous-marins de Keroman. En 1946, l’extrémité ouest de l’extension sud est scindée en deux dans la hauteur : le nouveau niveau est réalisé avec des poutres et des dalles préfabriquées en béton armé récupérées sur le chantier de la base de Keroman (sans doute pour le bunker KIV). C’est dans cet espace que sont installés des bouilleurs servant à déminéraliser l’eau par distillation.

En 1965, un plan de la Direction des constructions et armes navales, mis à jour en 1979, mentionne l’ex local des bouilleurs (donc les bouilleurs ne sont plus en service) et le "local de déminéralisation de l’eau". D’autres locaux servent au processus de déminéralisation de l’eau : le "local aux acides" (à l’extérieur, accolé au bunker usine énergie et à son extension), des cuves (rez-de-chaussée de l’extension) et le magasin à soude caustique (deuxième étage de l’extension).

  • Période(s)
    • Principale : 2e quart 20e siècle , daté par source, daté par travaux historiques
    • Secondaire : 2e moitié 20e siècle , daté par source, daté par travaux historiques

Dans l’extension sud du bunker usine énergie, lui-même accolé au sud du bunker KI dont il n’est séparé que par un couloir nommé la "rue", se trouve le "local de déminéralisation de l’eau". Le local se trouve à un niveau intermédiaire, entre le premier étage (agrandi en 1946 pour le local des bouilleurs) et le deuxième étage. Son accès se fait depuis le rez-de-chaussée par un escalier tournant en béton armé, puis après avoir traversé l’ex local des bouilleurs, par un escalier métallique faisant passerelle au-dessus du passage d’entrée de l’extension sud.

Le couloir d’accès au local conserve un téléphone mural et la signalétique en cas d'accident ou d'incendie.

Le plafond du local, assez bas, est constitué de poutres préfabriquées en béton armé : il accueille des plafonniers à lampe fluorescente. Le sol est carrelé. Dans l’angle nord-est se trouvent un lavabo et un rince-œil muraux.

Le local conserve deux bacs en résine avec hotte d’aspiration, deux chambres métalliques et leur système de tuyauterie avec vannes (toutes numérotées). Le premier bac sert à mélanger l’eau de Ville avec de l’acide stocké en bonbonnes (solution fortement acide) ; le second sert à mélanger l’eau des cations avec de la soude (solution basique).

Il comprend en outre un établi encombré d’un multimètre et de divers objets (dont des gants étanches et une visière de protection), une armoire d’atelier et un radiateur électrique. Un carnet de "Bon de délivrance" de la Direction des constructions et armes navales (DCAN), Bois Immeubles Entretien Fluide (BIEF), Entretien Keroman de l’année 1981, ainsi qu’une feuille de suivi de l’année 1990 donnant la chronologie d’un traitement et des volumes en tonnes (une tonne égale un mètre-cube soit 1 000 litres), sont posés sur l’établi. Le multimètre servait à tester la conductivité de l’eau déminéralisée.

Des consignes de sécurité au travail sont encadrées et accrochées sur le mur. On peut lire : "L'acide ronge, protégez-vous" ; "Produits chimiques. Lisez l'étiquette" ; "Pas d'eau dans l'acide" ; "Liquides corrosifs. Protégez-vous".

Une feuille manuscrite de format A3 donne les instructions pour réaliser le cycle complet de la déminéralisation de l’eau : d’abord, les cations, puis les anions.

A l’ouest, le plafond de la pièce est dégradé du fait de l'infiltration des eaux pluviales depuis les joints de la dalle de couverture : l’eau s’écoule dans l’un des deux bacs.

  • Murs
    • béton béton armé
  • Toits
    béton en couverture
  • Plans
    plan rectangulaire régulier
  • Énergies
    • énergie électrique produite à distance
    • énergie électrique produite sur place machine à vapeur à piston
    • énergie électrique produite sur place moteur à pistons à combustion
  • État de conservation
    établissement industriel désaffecté, bon état, inégal suivant les parties, menacé
  • Statut de la propriété
    propriété d'un établissement public intercommunal, édifice appartenant à la Lorient-Agglomération
  • Intérêt de l'œuvre
    vestiges de guerre, à signaler
  • Éléments remarquables
    blockhaus, atelier de réparation, usine de produits électrochimiques

Documents d'archives

  • Direction des constructions et armes navales. Port de Lorient. Monographie de la base "Ingénieur Général Stosskopf", 1945-1946.

    (transformation des images au format tif en jpg).

    Service Historique de la Défense de Lorient : 15W633 : SHDML__ML_croquis_slip__0001__2 à SHDML__ML_croquis_slip__0014__2 et SHDML__ML_15_W_633_K5__0001__2 à SHDML__ML_15_W_633_KB60__0001__2 ; SHDML__ML_Base_Keroman__0001__2 ; SHDML__ML_canalisations_eau__0001__2 ; SHDML__ML_chariot_transbordeur__0001__2
  • Direction des constructions et armes navales. Port de Lorient. Plans de masse et plans d'ensemble de la base de sous-marins de Keroman, 1950-1970.

    Service Historique de la Défense de Lorient : 15W634

Annexes

  • Transcription de la feuille manuscrite détaillant le cycle complet de déminéralisation de l’eau
Date(s) d'enquête : 2024; Date(s) de rédaction : 2024
(c) Région Bretagne
Lécuillier Guillaume
Lécuillier Guillaume

Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.

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