Les débuts d’un littoral planifié
À la fin des années 1950, la commune de Guidel s’apprête à connaître de profondes transformations sous l’impulsion de son maire Louis Le Montagner (1907-1983). À l’heure de la généralisation de l’automobile, l’inauguration en 1955 de la « route côtière » reliant Lorient à Guidel par le front de mer marque l’entrée de la commune dans son « ère touristique ». La construction quasi simultanée des villages de vacances de l’Association Villages Vacances Familles (VVF) et du Comité central d’entreprise d’Air France, en 1961 et 1963, confirme cette vocation littorale.
Ces premières réalisations conduisent à envisager un aménagement à plus grande échelle. En 1964, une étude commandée par le Conseil général du Morbihan définit les orientations destinées à structurer le développement touristique du département. Elle identifie Guidel comme un site stratégique pour la création d’une vaste zone littorale d’environ 500 hectares, comprise entre la rive morbihannaise de la Laïta et la pointe du Talud. La création de cette zone poursuit quatre objectifs : fidéliser la clientèle touristique par des équipements de loisirs ; favoriser un habitat semi-sédentaire, notamment pour les retraités ; générer de nouvelles ressources pour la commune ; et créer des emplois locaux.
La SATMOR, opérateur du littoral guidélois
Initialement portée par la commune, la mise en œuvre du projet est confiée en 1967 à la Société d’aménagement touristique du Morbihan (SATMOR), société d’économie mixte fondée en 1965 et dissoute en 1982. Soutenue par la Caisse des Dépôts et la Société centrale pour l’équipement du territoire (SCET), la SATMOR est chargée de planifier et accompagner les collectivités territoriales dans le développement touristique du littoral morbihannais.
Le périmètre guidélois, déjà encadré par un plan d’urbanisme de détail approuvé le 13 janvier 1967, répartit les espaces entre zones de verdure et de silence, installations de plage, équipements socio-sportifs, trois zones d’habitat distinctes et une zone agricole le long de la Laïta. Les aménagements projetés par la SATMOR concernent principalement la seconde zone d’habitation, située de part et d’autre de la route côtière, où la Société centrale immobilière de construction (SCIC) a déjà édifié plusieurs ensembles : un village et des gîtes VVF d’environ 1 500 places, ainsi qu’un groupe de 50 habitations secondaires achevé en 1967.
La SATMOR s’inscrit ainsi dans la continuité de ces premières opérations, en cherchant à structurer un ensemble résidentiel et touristique cohérent à l’échelle du littoral guidélois.
Concevoir le littoral touristique : le plan Gomis-Cler
Nommé architecte en chef du projet aux côtés de sa collaboratrice Danièle Cler, André Gomis conçoit à Guidel un complexe de près de 90 hectares. Une première tranche de travaux, amorcée en 1964, complète le village de vacances d’un ensemble résidentiel au nord.
Le programme prévoit 519 logements collectifs, 853 logements individuels groupés, 202 logements isolés, soit un total de 1 574 unités, auxquels s’ajoute un camping de 700 places. La capacité totale atteint ainsi 7 500 personnes. Le projet comprend également un centre commercial principal et deux secondaires, ainsi que divers équipements de loisirs : tennis, mini-golf, centre équestre, centre nautique et aquarium.
Gomis envisage dès 1964 la construction d’une salle polyvalente en lien avec le village de vacances, décrite comme :
« Située en contrebas de la route, à proximité de la passerelle de liaison entre le VVF et la mer, elle est le prolongement visuel et l’aboutissement des masses construites existantes et futures, et le point fort de l’ensemble des équipements collectifs à créer. Son volume abritera une salle polyvalente de 800 places destinée à des projections cinématographiques, réunions et conférences. Au nord, le volume s’ouvre sur une arène de plein air. »
Cette salle devait compléter un complexe de loisirs de bord de mer comprenant également piscine, base nautique, dancing, hôtel, crèche, centre commercial et équipements sportifs.
De l’ambition à la réalité : une zone partiellement réalisée
Confrontée à la montée des critiques sur l’impact environnemental des grands projets d’aménagement et à des difficultés financières croissantes dans les années 1970, la SATMOR ne parvient pas à concrétiser l’ensemble du programme. À Guidel, la zone touristique reste partiellement réalisée. Seuls l’un des centres commerciaux et la base nautique sont construits à l’ouest de la route côtière. La salle de spectacle, édifiée en 1975 sur le site du village de vacances, adopte des dimensions plus modestes que celles prévues initialement. Les trois hôtels, les deux autres centres commerciaux, le centre hippique, les courts de tennis, le minigolf et l’aquarium demeurent à l’état de projet.
Cet inachèvement témoigne des ambitions touristiques portées par les collectivités et les acteurs publics dans les années 1960, mais aussi des limites d’une planification littorale confrontée aux mutations économiques et aux premières sensibilités environnementales. À Guidel, l’ensemble constitué par le village VVF, les gîtes et les aménagements partiellement réalisés illustre une étape charnière de la modernisation du littoral breton, entre utopie aménagiste et réalité territoriale.
Photographe à l'Inventaire