La décoration au titre du 1% du lycée Pierre Mendès-France est une sculpture en granite de Huelgoat de Francis Pellerin (1915-1998), Premier Grand Prix de Rome en 1944. La thématique retenue par l'artiste est : "mise en résonnance d'un espace".
La sculpture a été déplacée en 2017 - 2018, lors de la construction d'un nouveau bâtiment, qui se développe en partie sur son emplacement initial. Elle fut implantée à l'entrée du lycée, à la demande des ayants droit. Elle est ainsi visible de la rue, mais éloignée de l'architecture avec laquelle elle dialoguait à l'origine. Les blocs de granite placés autour de la sculpture, qui composent pour partie son environnement, ont également été transplantés. Trop enterrés, ils ne peuvent plus servir d'assise aux élèves. Le tertre qui permettait à cette sculpture, qui se développe à l'horizontal, de s'affirmer dans un contexte architectural de barres allongées, et de façades à trame régulière, n'a pas été recréé.
Sur les 133 557 francs représentant le coût initial du projet, 59 879 francs ont été pris en charge par la Chambre de commerce et d'industrie, impliquée dans le financement de l'école des métiers du bâtiment. Le conseil municipal de Rennes a approuvé le projet, le 1er mars 1976, et autorisé le maire à signer une convention avec l'artiste, bien avant que la procédure d'agrément arrive à son terme.
La genèse de cette décoration est particulièrement intéressante. Elle permet non seulement de constater l'implication des inspecteurs de la création artistique et des membres de la Commission nationale chargée de l'étude des projets de décoration dans les édifices publics, au Ministère de la Culture, mais aussi de découvrir les réactions de l'artiste aux demandes de modification de son projet.
La Commission étudie, dans un premier temps, le 24 novembre 1976, le projet présenté par l'architecte Roger Besnard et le sculpteur. Tout en ne récusant pas l'artiste, elle lui réclame une nouvelle proposition. Celle-ci est à son tour présentée devant la Commission, le 12 octobre 1977. Le nouveau projet est jugé "acceptable" à l'inspecteur chargé de rapporter le dossier, Michel Troche. Il semble pourtant avoir été vivement critiqué par certains membres de la Commission. Des notes manuscrites figurant dans le dossier ministériel indiquent que le représentant de la Direction de l'Architecture, Monsieur Bardet, estime qu'il n'y avait "pas d'intégration" à l'espace environnant mais aussi que le critique d'art, M. Lascault, pense que l'œuvre n'avait "pas de présence". Bernard Anthonioz, chef de service de la Création artistique, est alors amené à suggérer de réduire la sculpture et à proposer une occupation au sol qui "soit "le fruit d'une réflexion". La commission donne in fine un avis favorable, sous réserve qu'une mise au point soit faite et que l'artiste s'attache : "(...) à créer un lieu à l'aide des blocs sculptés, où les élèves pourraient éventuellement se rencontrer et s'asseoir. Cette modification (...) serait obtenue en partie par un agencement et un traitement différents des blocs de granit prévus pour la sculpture."
Dans un courrier adressé à "l'inspecteur rapporteur" Michel Troche, le 5 novembre 1977, Francis Pellerin livre un récit de la commission et des discussions de couloir du 12 octobre précédent.
" Puisque les Commissions existent, il convient d'en accepter l'exercice." Mais il nuance rapidement :
" La sculpture ne se fait pas à bicyclette... pas mieux en bout de palier des Ministères.
Dans la situation d'écouteur où je me trouvais, il y avait :
A- Mon architecte désemparé
B- Projet non remis en cause (Mr troche)
C- Adaptation bâtarde possible
D- Nouvelle maquette, nouvelle Commission (Mr Leclerc)
Cela pourrait nous mener à la St Glin glin.
Il a été dit sur le palier :
"réduire l'échelle, pour ajouter quelques roches, arbustes, mouvements de terre".
N'est-ce pas comme supprimer un étage dans un projet d'architecture ? ... laquelle est proportion si elle ne sacrifie pas par avance, aux dimensions.
"voir telle réalisation américaine"
"ça fera plus breton en fin de compte" (sic)
(...)
"Je vais le refaire ce projet, où ma liberté de création doit pouvoir s'exercer, le problème étant bien posé. (...)."
A l'issue de ce processus, la troisième maquette de l'artiste est jugée satisfaisante par le rapporteur (lettre du service de la Création artistique à l'architecte, le 13 février 1978). Francis Pellerin adresse alors un poème manuscrit, non daté, au Ministère, précédé d'un :
"Ouf ! après ces exercices de style administratif, qui m'ont rendu explosif. Avec une Bise, voici le Poëte :
" Il s'en alla promener
Comme les chiens sans maître
Et trouva comme un os
La chose jamais vue.
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Il n'a pris, ni reçu
Se brûlant au silence
Qui sans cesse le perd
Et le mieux recommence,
A seulement tenter
Sans très bien savoir quoi,
Riche de n'avoir rien
Qui guérit de la peur
De ne savoir aimer
Que ce que l'on demande
Et que l'on reçoit mort.
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A me parler voyage
Une forme invitante
Sort du fond de moi-même
Ce que je n'oserais ;
Je ne saurai jamais
Quel mot ouvre la porte,
Du fond de quel jardin
Je sors de mes secrets,
Comme un autre que moi
Tel que je me connais. "
F. PELLERIN
Chargé d'études à l'Inventaire