Localisation, origines et dénomination :
Le manoir de la Rocherousse se situe dans la commune de Quessoy, dans le canton de Moncontour.
Ses origines remontent au 14e siècle, mais des constructions ne sont attestées qu'au 16e siècle par Philippe du Halgouët. En 1604, il est transmis à Jehan du Halgouët, son fils, et officiellement en 1628 au décès de Renée Budes, mère de Jehan. Dès décembre 1628, des travaux importants sont entrepris. Le manoir est agrandi vers l’ouest, l’extérieur est réaménagé, et la chapelle Sainte-Anne est restaurée en 1605. Les propriétaires suivants, la famille des Coislins de Cambout, les Plancher et les Gouyon de Vaurouault, ne réalisent pas de grands travaux. .
Les aveux des propriétaires sous l'Ancien Régime diffèrent sur la nature exacte du manoir de la Rocherousse : l’un évoque une « maison et manoir noble » (aveu de 1693), tandis que l’autre parle d’une « maison et château » (aveu de 1746).
L'évolution architecturale du manoir :
Malgré les débats affiliés à la dénomination de la Rocherousse, les sources s’accordent sur le reste des détails et cela est confirmé par l’analyse des plans cadastraux de 1843. Le domaine comprenait deux cours. La première, accessible par deux portes en pierre de taille, surement du granite, est séparée en deux par une haie d’épines dont la partie gauche abrite un colombier. La seconde cour, accessible par deux pont-levis, mènent à deux portes d’un bâtiment avec une toiture en croupe rabattue À l’extrémité de ce bâtiment, se trouvent deux autres structures, légèrement moins élevées, servant d’écuries. Ces trois bâtiments, disposés de manière à fermer un côté de la cour intérieure, sont complétés à l’extrémité par des tours circulaires servant à défendre l’entrée. La cour intérieure était entièrement close et entourée de douves de 30 pieds de large (environ 9,8 mètres). À chaque angle de la cour, des tourelles sans couverture sont présentes. Un jardin paysagé, mentionné dans les aveux et figurant sur le cadastre ancien, se trouve à l’arrière du manoir. Il est délimité par des buis et des arbres formant dans tracés l’un carré et l’autre rectangulaire. Les sources attestent deux bassins, l’un dans la cour et l’autre dans le jardin clos au nord-est du domaine. La cour, la tour et le jardin font 16 cordes de long et large (environ 124,576 mètres). Le domaine comptait également un étang et deux moulins à vent et à eau. Il comprenait des terres agricoles, des métairies, et des bois, totalisant environ 44,5 journaux soit environ 15 hectares.
Concernant le manoir, les aveux de 1693 et 1746 mentionnent un bâtiment de 144 pieds (environ 46,7 mètres), entouré de douves et de fortifications. Ces fortifications ont disparu lorsque le manoir devient la propriété d’agriculteurs, qui transforment les jardins en champs. Le manoir est construit en petit appareil de pierre de taille, avec des baies encadrées de granite. Il compte cinq travées réparties sur deux niveaux, soit dix baies alignées sur toute la longueur, et plusieurs baies non alignées, dont deux oculi sur la façade nord, éclairant l’escalier du 17e siècle. Les traces de reprises, sont visibles, notamment entre les parties du 16e et 17e siècle, où un décalage de hauteur et de largeur est constaté liée à la construction du bâtiment du 17e siècle monté à fruit. Un agrandissement vers l’ouest a eu lieu au 19e siècle. Entre 1808 et 1843, il est ajouté un petit bâtiment à l'extrémité est, qui a laissé une trace sur la façade du 19e qu'il jouxtait. Il figure également sur les dessins d'Henri Frotier de la Messelière en 1925 mais n'est plus représenté sur le dessin de Ruffet en 1993. C'est également le cas des deux tours qui encadraient à chaque extrémité le manoir, elles sont présente sur la cadastre 1843 mais absente sur le dessin de Ruffet en 1993. Le manoir présente une certaine uniformité, avec trois niveaux : un étage de soubassement, un étage carré et un étage en surcroît. La partie du 17e siècle est située à un niveau plus bas que celle du 16e siècle, et un sous-sol est visible sur la façade nord grâce à la dénivellation du terrain.
L’intérieur du manoir :
Il est desservi par deux escaliers. Le premier est un escalier en maçonnerie de granite tournant sans jour éclairé d’un oculus à chaque repos. Il dessert le premier étage et les combles de la partie du 16e siècle. Le second est un escalier en bois, tournant avec jour sans repos reliant la partie du 17e à celle du 16e siècle. Il dessert le rez-de-chaussée et le premier étage du 17e siècle. Le rez-de-chaussée comprend cinq pièces. Celles de la partie construite au 17e siècle sont les communs. La première salle se distingue par un foyer relié à un four à pain, tandis que dans la seconde, on trouvait un monte-plat entre le rez-de-chaussée et le premier étage, aujourd'hui disparu. La partie du 16e siècle comprend deux pièces, et l’agrandissement du 19e siècle ajoute une autre salle. Dans la partie du 16e siècle, toutes les salles ont un plafond à la française. La première salle à droite a une grande cheminée non contemporaine de la construction. Le premier étage comprend cinq pièces, probablement des chambres. Elles ont toutes une cheminée et de grandes baies comportant des encoches pour barrer les portes mais il n’y a pas boiseries. L’un des dessins d'Henri Frotier de la Meslières en 1925 met en avant l’une des chambres du manoir. Il représente une cheminée en granite orné d’une couronne sur le trumeau, un plafond à la française, de grandes baies qui sont l'une en face de l'autre, une porte cintrée en granite qui dessert sur une autre pièce et un sol en tomettes de terre cuite en losange. La cheminée est encore présente et entièrement en granite mais elle n’a plus sur son trumeau la couronne d’ornementation, la porte cintrée est composée de granite mais également de briques et le sol est toujours celui de 1925, en tomettes. Les combles, accessibles uniquement par l’escalier d’honneur, comptent cinq pièces. Ces combles, éclairées par des lucarnes, étaient probablement utilisés comme espace de stockage et pour les domestiques.
Un manoir résidentiel fortifié :
Le manoir de la Rocherousse combine confort et fortification, caractéristiques d’un manoir résidentiel du 17e siècle. Il est plausible que la famille du Halgouët, et notamment Jehan, ait conçu le manoir selon ce modèle, en doublant l’espace de vie pour y déplacer les communs et y ajouter deux salles de vie et deux chambres. Il offre un confort représenté par des cheminées dans chaque pièce, de grandes baies, des plafonds élégants à la françaises, des communs et des espaces réservés aux domestiques. Le manoir est illuminé de grandes baies traversantes qui assurent une bonne luminosité. En même temps, le manoir présente des éléments fortifiés tels que des bois dans des encoches pour barrer les baies, une double enceinte fortifiée, des douves, un pont-levis et des tours. Ce modèle, résidence-fortifiée, prôné au début du 17e siècle par l’architecte Jacques Androuet du Cerceau, incarne une période de sortie de troubles, et il est probable que l’architecte ayant travaillé pour Jehan du Halgouët se soit inspiré des traités d’architectures de cette période. Le manoir de la Rocherousse reflète ainsi le modèle de résidence-fortifiée post-guerre de la Ligue.
La restauration du manoir :
La restauration en cours du manoir met en évidence l’état particulièrement dégradé de la partie datant du 17e siècle, en particulier les communs situés à l'étage de soubassement, dont les murs sont noircis et qui souffrent de l'absence de revêtement. Il est également nécessaire de recréer un sol au rez-de-chaussée. Actuellement, la cheminée de la première salle située à l'étage supérieur, équivalent du rez-de-chaussée, semble en lévitation, n'ayant plus de sol sous elle. Les boiseries d'origine et le parquet sont absents, et il semble qu'il n'y en ait jamais eu à la Rocherousse, bien que cela reste une hypothèse. En effet, le bâtiment conserve uniquement les sols de soubassement ou des murs bruts, parfois recouverts d’un enduit de substitution, probablement appliqué au 20e siècle, ce qui empêche de connaître précisément son état d’origine. Toutefois, un schéma réalisé par Henri Frotier de la Messelière en 1925 montre un enduit couvrant les murs de la chambre ainsi qu'un sol non parqueté. L’état actuel du manoir est largement dû à son usage agricole tout au long du 20e siècle, période durant laquelle les portails et les fortifications ont été détruits pour permettre le passage des engins agricoles. En outre, le bâtiment a été abandonné pendant environ trente ans, ce qui a accentué sa dégradation. En 1992, Jean Chapelain, agriculteur, quitte le manoir, débutant ainsi une succession de propriétaires qui n'ont réalisé que peu de travaux de restauration, à l'exception de l'avant-dernier propriétaire, qui a restauré l'ensemble de la toiture et de la charpente. Cette omission a grandement affecté les conditions de conservation du bâtiment. Ce n'est qu'en septembre 2021 que le manoir a trouvé de nouveaux propriétaires. Ceux-ci ont lancé une vaste campagne de restauration qui doit s'achever vers 2030. La découverte de quenouilles pour l’isolation du sol communique des informations précieuses sur la structure du bâtiment et le soin apporté au confort. Ces observations sont complétées de recherches en archives pour éclairer les choix de restauration.
(Enquête thématique régionale, Inventaire des demeures parlementaires en Bretagne - les châteaux de parlementaires en Côtes-d'Armor, Flavie Dupont, 2025)
Etudiante à l'Université Rennes 2, master 2 Histoire, civilisations et patrimoine double parcours Histoire et Sciences-sociales et parcours Médiation du Patrimoine de l'Histoire et des Territoires.
Dans le cadre d'une étude sur les châteaux parlementaires costarmoricains pour la réalisation d'un mémoire de recherche historique sur les châteaux habités par des parlementaires bretons. En partenariat avec l'association VMF et la Région Bretagne.