L’identification et l’étude des granges monastiques mettent en lumière le rôle important des cisterciens sur l’ancien duché de Bretagne. Du 12e au 18e siècle, ils élaborent un maillage comprenant l’environnement proche de l’abbaye, les possessions rurales dont le système de la grange relié aux maisons de ville. Les granges monastiques possèdent le double sens de bâtiment-grange et de grande exploitation agricole. C’est sous cette dernière acception que les granges sont étudiées. L’étude des granges cisterciennes permet de reconstituer toute une économie rurale bretonne, mal connue, documentée par les fonds d’archives des abbayes et du coup tributaire de la conservation très variable des archives médiévales. Pour autant, de nombreuses ressemblances se dessinent à travers l’étude des temporels cisterciens.
Espace d’accueil, de production, de stockage et de vente, la grange doit avant tout répondre aux besoins matériels des religieux. On y pratique une polyculture essentiellement tournée vers la culture des céréales et l’élevage. Quelques granges spécialisées produisent du métal, du vin ou du sel. Les surplus produits sont alors écoulés par voie terrestre ou fluviomaritime en direction des maisons de ville. Ces grands centres agricoles couvrent la plupart du temps plusieurs centaines d’hectares et sont érigés en seigneurie ecclésiastique dans le courant du 13e siècle : l’exercice de la justice est matérialisé par la présence de prison et d’auditoire.
Les activités liées aux granges façonnent les paysages ruraux en raison de l’implantation de nombreux ouvrages et aménagements. Les vestiges de l’espace grangier hérités du Moyen Âge comprennent des enclos fossilisés, des élévations parfois très remaniées et des traces de remembrement des parcelles. Le réseau hydraulique est entièrement réaménagé et de nombreux étangs alimentent des moulins hydrauliques. L’équipement meunier est parfois renforcé par la présence d’un moulin à vent dès le 13e siècle pour pallier le fort étiage des cours d’eau en été. Ces moulins sont généralement banaux et utilisés par les vassaux des moines pour moudre leurs céréales. On observe néanmoins peu de bâtiments d’époque médiévale conservés : les nombreuses campagnes de reconstruction ont détruit les premiers édifices. Sur de nombreux sites, la dernière campagne de reconstruction par les religieux aux 17e et 18e siècles est toutefois encore perceptible. Elle présente un logement qui a succédé à l’ancien manoir, des étables, une écurie, une porcherie, un fournil et une grange. L’ancienne chapelle des religieux est rarement conservée sauf à avoir été convertie en église du village. L’ensemble prend la morphologie traditionnelle d’une exploitation agricole à l’époque moderne. Retrouver les états antérieurs doit alors faire appel aux sources textuelles et planimétriques. Les activités artisanales apparaissent ainsi avec la présence de forge et de cellier, de moulin à fouler et de fours à goémon. Les cisterciens produisaient donc dans les granges du métal, du vin, du sel, du cuir, du textile et du verre. Mais pour qualifier et quantifier ces productions, des fouilles archéologiques seraient nécessaires.