Un lieu de culte construit dans un lycée public, six décennies après la loi de Séparation.
Comme dans d'autres villes reconstruites, à Lorient par exemple, le mécanisme d’indemnisation des dommages de guerre doit engendrer la construction d'une chapelle à Kerichen, dans une cité scolaire publique, six décennies après la loi de Séparation des Eglises et de l'Etat.
Le "petit lycée" d'avant-guerre comportait une chapelle. La créance de dommages de guerre afférentes doit financer la construction d'un nouvel édifice cultuel.
Une salle audiovisuelle pouvant servir de lieu de culte bâti par la Ville, pour le lycée
Une délibération du conseil municipal de Brest, du 5 février 1962, résume la genèse de cette construction. On y apprend que la séance précédente de l'instance communale avait : "délibéré sur le sort de la créance de dommages de guerre de l'ancienne chapelle du lycée. Cette créance étant propriété du lycée, il a été convenu, avec l'accord du Ministère de l'Education Nationale et du lycée, que ces dommages de guerre seraient investis dans la construction d'un bâtiment dénommé salle audiovisuelle et servirait à la fois à l'exercice du culte et à des réunions importantes. Le conseil municipal a accepté le mandat confié au Maire par le Lycée en vue de faire assurer par la Ville la construction du bâtiment."
La même délibération précise qu'à l'époque où, "de bonne foi", la ville considérait que cette créance lui appartenait, il avait été demandé à Jean-Baptiste Mathon d'élaborer un projet de chapelle. Ce dernier avait en effet remis un dossier d'exécution presque complet. Il convient donc de lui payer des honoraires pour ce travail. Un compromis a été trouvé par la Ville et le lycée pour en partager la charge, pour moitié chacun.
Il est par ailleurs fait allusion au contentieux sévère qui opposa les deux parties sur la propriété de la créance de dommages de guerre du petit lycée, qui avait conduit le conseil municipal, du 31 mars 1959, à décider de ne plus faire représenter la Ville au conseil d'administration du lycée.
La salle audiovisuelle faisant office de chapelle, a été construite selon les plan de J-B. Mathon, entre le 7 juillet 1964 et le 1er mai 1966, date de la réception provisoire. La réception définitive est intervenue le 5 juillet 1967. In fine, l'équipement est bien propriété de l'établissement.
Dégradations, cession à la Ville et démolition
Ironie du sort, ce dernier est contraint de le céder à la Ville, en 1982, ainsi que l'expose, le 1er décembre, le proviseur du lycée classique et moderne de Brest, au directeur départemental des services fiscaux qui semble lui avoir demandé des comptes :
"(...) il ne s'agit nullement d'une cession par l'Etat mais d'une cession consentie par le Lycée, personne morale, à la Ville avec convention d'utilisation gratuite."
En effet, cette salle a été construite par la Ville et cédée au Lycée en compensation des dommages de guerre de la chapelle du Petit Lycée, bien propre à l'établissement, que la Ville s'était appropriée à la Libération. Cette opération constituait la solution adaptée pour clore le différend qui avait opposé, pendant 15 ans, la Ville et le Lycée. Ces dernières années, des occupations sauvages ayant saccagé les installations, la Commission Municipale de Sécurité a estimé la salle inutilisable en l'état. De plus, des désordres graves étant apparus dans le gros œuvre, il n'était plus possible d'envisager une remise en état par nos propres moyens. C'est pourquoi la cession à la Ville a été décidée.
En conclusion, la Lycée n'a fait que disposer d'un bien qui lui appartenait en mettant fin à un processus de ruine inéluctable dans l'intérêt de la communauté."
La salle audiovisuelle a été détruite en 2000. Dernier bâtiment de la cité scolaire construit l'année même de son achèvement, 11 ans après la pose de la première pierre du bâtiment A et 18 ans après l'élaboration du premier plan masse, c'est le premier à être démoli. D'autres suivront, 20 ans plus tard, dans le cadre d'une lourde restructuration.
Les recherches mériteraient d'être complétées, pour s'avoir ce qu'il est advenu de cette salle, entre 1982 et 2000.
Chargé d'études à l'Inventaire