Dès leur arrivée à Saint-Malo en juin 1940, les Allemands s’intéressent tout naturellement aux infrastructures portuaires : port et bassins utilisables par la marine de guerre (Kriegsmarine) pour les forces de surface. Elle implante une station de démagnétisation dans le bassin Bouvet.
Dans le cadre du Mur de l’Atlantique, la zone de défense côtière Rance (Küsten Verteidigungs Gruppe Rance) est programmée en août 1942 pour la défense du port et des routes maritimes vers les îles anglo-normandes (fortifiées à partir d’octobre 1941). Cette zone compte plus de 150 ensembles fortifiés (Widerstandnester et Stützpunkte) regroupant près de 550 bunkers construits par l’Organisation Todt entre l’automne 1942 et juin 1944 pour l’Armée de terre (Heer), la Marine (Kriegsmarine) et l’Armée de l’air (Luftwaffe). Chaque bunker est numéroté avec le préfixe "Ra", en référence à la Rance, suivi d’un numéro correspondant à l’ensemble fortifié. La Bretagne et la Normandie (de la Seine à la Loire y compris les îles anglo-normandes) dépendent de la 7ème armée allemande (Armeeoberkommando, en abrégé AOK7) commandée par le général Friedrich Dollmann dont le poste de commandement se trouve au Mans.
Devant la menace d’un débarquement allié, le port de Saint-Malo est déclaré "Festung" (forteresse) le 19 janvier 1944. Le domaine de la forteresse de Saint-Malo (Festungsbereich Saint-Malo) englobe plusieurs communes et s’étend de la pointe de la Varde à l’est, à Saint-Briac à l’ouest et à Pleurtuit au sud. Parmi les ensembles fortifiés figurent le fort de la Cité à Saint-Servan qui abrite le poste de commandement de la Festung Saint-Malo (die Zitadelle, "Ra 230"), le fort de la Varde à Saint-Malo ("Ra 109"), la pointe de la Garde Guérin à Saint-Briac ("Ra 145"), l’île du Grand Bé ("Ra 276") et l’île de Cézembre ("Ra 277"). On pourrait également citer des batteries d'artillerie dans les terres comme la batterie "Kullak" ("Ra 110") à la Mettrie aux Louets à Saint-Coulomb ou à La Brousette à Dinard ("Ra 157").
Dès 1986, Michel Truttmann s’intéresse aux fortifications allemandes de Saint-Malo rejoint par Daniel Corlouer, Yannick Rose, Alain Dupont, Eric Peyle et Alain Chazette notamment. Des documents comme le Hafenverteidigungs - Plan d’avril 1944 conservé aux Bundesarchiv contribuent à la connaissance des fortifications allemandes, de leur garnison et de leur armement.
Pour Eric Peyle qui a recensé les vestiges du Mur de l’Atlantique sur la Côte d’Émeraude entre 1991 et 1994, il resterait au alentour de 70 % des bunkers construits. La majorité des bunkers se trouve aujourd’hui dans des parcelles privées même si des parcelles publiques regroupent de forte concentration de bunkers. Certains bunkers et galeries souterraines comme à la Garde Guérin à Saint-Briac jouent un rôle d’habitat en journée pour les chauves-souris (grand rhinolophe et grand murin) et servent de lieux d’hibernation d’octobre à avril.
Depuis 1994, le mémorial 39/45 à Saint-Servan - Saint-Malo permet de visiter une partie des bunkers du fort de la Cité. Le poste de direction de tir a ouvert en 2022 après sa restauration et sa mise en valeur.
Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.