Naissance de la « Bunker archéologie » (5) : L´ouvrage « fondateur », aujourd´hui épuisé, est publié en 1995 sous le titre : « Album Mémorial Atlantikwall, Le Mur de l´Atlantique en France 1940-1944 ». Les auteurs : Alain Chazette, Alain Destouches et Bernard Paich sont des pionniers de la « Bunker archéologie » en France. Pour Alain Chazette, la « Bunker archéologie » est « une science à part entière, c'est l'étude des monolithes du Mur de l'Atlantique, des défenses allemandes réalisées par l'organisation Todt comme on étudierait les pyramides ou la grande muraille de Chine ». « Leur démarche n´est pas scientifique mais leur passion s´est pourtant trouvée un nom qui sonne comme une nouvelle science : « la Bunker archéo ». La filiation à l´archéologie n´est pas, du reste, un hasard : parce que le Mur disparaît, la recherche revêt un caractère urgent, comme celui qui préside sur les sites archéologiques découverts lors de la construction de nouvelles routes ou de nouveaux immeubles. […] Ces dizaines de chercheurs amateurs sillonnent sans relâche les derniers vestiges du Mur, ils recensent les ouvrages, dressent les plans et photographient le moindre bloc de béton. Au total, ils collectent pour les chercheurs du futur une masse documentaire considérable ».

Autour de la librairie spécialisée Histoire et Fortifications dirigée par d´Alain Chazette, s´est développé un réseau « d´informateurs » répartis sur tout le territoire français. Chaque région a son spécialiste du Mur. L´équipe constituée d´Alain Chazette, Bernard Paich, Alain Destouches, Emmanuel Boulard, donne lieu à des ouvrages hyper-spécialisés comme « Tobrouks Typologie – Atlantikwall-Südwall » parue en 2004 ou des ouvrages plus « grand-public » comme « Atlantikwall-Südwall, Sur les traces du temps ».

Ce dernier ouvrage est la somme de vingt années de recherche collective sur le Mur de l´Atlantique en France : « Ce livre aura ainsi pour but d´orienter les premiers pas en « Bunker archéologie » des débutants comme de guider les amateurs plus confirmés au travers d´un panel choisi de reliques encore visibles. Il constitue enfin un témoignage sur l´état de ces défenses oubliées un demi-siècle après la fin du conflit qui les a vu naître ». Publié en 2002 à 700 exemplaires et vendu 170 euros, l´ouvrage est aujourd´hui épuisé. A signaler aussi, « Atlantikwall Typology » de Rudi Rolf (auteur de « Der Atlantikwall 1940-1945 chez Biblio Verlag en 1983), disponible en format de poche depuis 1998, qui compile les plans-types des principaux ouvrages allemands.

Guides ou indicateurs du patrimoine fortifié : Cinquante ans après le débarquement en Normandie, deux ouvrages sont consacrés, la même année 1994, au Mur de l´Atlantique en Bretagne. D´apparence assez similaire et dans un format assez proche d´environ 120 pages, ces deux ouvrages se veulent des guides ou indicateurs du patrimoine fortifié à l´usage des néophytes ou des amateurs confirmés du Mur de l´Atlantique. Différents dans leur approche et la méthodologie employée, ces deux ouvrages sont les premiers à s´intéresser au Mur de l´Atlantique en Bretagne. L´étude d´Alain Dupont et Eric Peyle est consacrée au Mur de l´Atlantique sur la Côte d´Emeraude tandis que celle de Patrick Andersen Bo concerne l´ensemble de la Bretagne y compris le département de la Loire-Atlantique.

Dès la page de couverture et le titre, « Le Mur de l´Atlantique en Bretagne 1944-1994 », Andersen Bo nous amène à nous interroger sur l´évolution architectonique d´un des ouvrages les plus impressionnants du Mur de l´Atlantique, le blockhaus, poste de commandement de la Dilanne . Deux photos prises dans le même axe, le blockhaus après la Libération avec son camouflage réalisé à l´aide de peintures en trompe-l´œil, et le blockhaus en 1994 sans ses mêmes peintures… sont censées provoquer la réaction du lecteur. Pour Andersen Bo, l´image ou plutôt l´illustration, est un vecteur important dans la découverte de ce patrimoine. Ce patrimoine fortifié « d´origine étrangère » appartient à notre paysage côtier.

Andersen Bo, responsable du Musée de la Résistance Bretonne de Saint-Marcel, a sélectionné les « blockhaus les plus intéressants » de Bretagne alors que Dupont et Peyle ont tenté de dresser un inventaire exhaustif des fortifications allemandes de la « Festung Saint-Malo », forteresse de Saint-Malo, qui s´étendait sur le territoire de 21 communes situées rive droite et rive gauche de la Rance.

Pratiquant la « Bunker archéologie », étude des vestiges du Mur de l´Atlantique, les auteurs utilisent la typologie allemande pour décrire les fortifications. Ces deux guides ont la particularité d´offrir des plans et coupes des ouvrages bétonnés.

L´ouvrage d´Andersen Bo partait d´une très bonne idée, celle de donner aux lecteurs une sélection d´édifices, mais nous aimerions connaître ses critères de sélection. De même peut-on s´interroger sur ses sources non mentionnées à l´exception du Service Historique de la Marine à Vincennes dont certaines photographies d´archives proviennent. Il semble néanmoins que l´auteur se soit très fortement inspiré du rapport du capitaine de vaisseau Yves Delpeuc´h consacré au Mur de l´Atlantique aussi connu sous le nom de rapport Pinczon du Sel. Conçu comme un très bon ouvrage de vulgarisation, l´étude d´Andersen Bo est pédagogique et marque une avancée dans la perception du « Mur ».

Cependant nous pouvons nous demander quel est l´intérêt historique de faire poser un figurant habillé en soldat Allemand alors qu´il existe des photographies d´archives ? Est-ce seulement pour nous faire profiter d´une photographie couleur de l´uniforme ou n´y a t-il pas derrière cette mise en scène une fascination malsaine ? De l´avis de certains historiens du Mur de l´Atlantique, c´est parce que certains auteurs « dérapent », que le patrimoine fortifié allemand est aussi peu considéré et que nous passons souvent pour le grand public et même par d´autres historiens pour des « extrémistes attardés ou des militants d´extrême droite ».

20054400001NUCA : Service Historique de la Défense, Château de Vincennes. Fonds de la Marine

20054400002NUCA : Service Historique de la Défense, Château de Vincennes. Fonds de la Marine