Cette casemate pour une mitrailleuse est implantée immédiatement contre l’entrée sud-est du bunker Keroman III. Une seconde casemate est située immédiatement au sud de l’entrée, en miroir de la première.
Construite en béton armé sur un plan-type spécial, elle est dotée d’une unique chambre de combat. L’accès à la casemate se fait depuis l’extérieur par une porte blindée antigaz aux angles arrondis de type 882P7 à deux vantaux. Ce type de porte est doté de deux volets mobiles d’évacuation, eux-mêmes dotés de judas. L’entrée de la casemate est directement sous le feu de la mitrailleuse.
La porte d’entrée donne sur un couloir qui dessert la chambre de combat à droite et au fond, un puits doté d’échelons, relié en sous-sol à une galerie technique passant sous les ateliers du bunker Keroman III, et au poste d’observation implanté au-dessus de l’entrée sud-est. Fortement corrodés, les échelons sont en mauvais état. Un panneau fermait à l’origine l’accès au sous-sol.
La chambre de combat
En l’état, la chambre de combat est dotée d’une porte en bois en partie vitrée, de type porte de bureau. Elle pourrait avoir remplacé une porte légère étanche. La chambre de combat est reliée à un système de ventilation : un tuyau et une bouche de surpression à clapet à contrepoids [disparue] située près de l’embrasure. L’emplacement pour un ventilateur semble visible dans le renfoncement au nord. L’emplacement pour le couchage des soldats n’est pas connu.
Les murs ont conservé leurs peintures murales d’origine : blanc à la chaux et plinthe peinte en vert.
Le poste de tir
La mitrailleuse abritée dans cette casemate assurait la défense rapprochée du bunker KIII en lien avec la mitrailleuse de la casemate sud. L’embrasure permet le tir vers le sud ; celle de la casemate sud permet le tir vers l’est-nord-est (tir croisé).
La chambre de tir est protégée par une plaque blindée en acier pour mitrailleuse (Leichte Stahl - Schartenplatte für MG) coulée dans le béton armé. Il s’agit d’une plaque modèle 422P01, d’une taille de 1,40 m x 0,75 m et 3 cm d’épaisseur pour un poids de 340 kg, avec orifice de tir rectangulaire et volet d’occultation manuelle. Grâce à un joint en feutre, l’ouverture de tir pouvait être rendue étanche en cas d’attaque au gaz. La fente d’observation, normalement accolée à l’ouverture de tir, est noyée dans le béton.
Un socle en béton armé, accolé à la plaque blindée, sert de support à un "affût de forteresse", sellette d’affût prenant la forme d’un rail à encoche [disparu], sur lequel venait se fixer le traineau coulissant de l’affût de la mitrailleuse [disparu].
Un bouclier de protection (Schutzschild) équipait vraisemblablement la mitrailleuse.
La chambre de combat dispose de deux cartouches sur fond vert, avec des marquages à lettrage blanc qui lui sont propre.
Premier cartouche : "St.", abréviation de Stande, abri, position en allemand, suivie du numéro de cette dernière : "23" ; "R.Nr.", abréviation de Nummer, numéro précédé de "R." (abréviation en rapport avec le champ de tir ?), suivi de deux numéros séparés par un tiret : "42-46".
Deuxième cartouche : "M.G.", abréviation de Maschinengewehr, mitrailleuse, c’est le type d’arme, ici une arme automatique, "Nr.", abréviation de Nummer, numéro suivi du numéro d’inventaire de cette dernière : "7697", un tiret et "08/15" qui nous renseigne sur le modèle de la mitrailleuse : un modèle 1908, modernisé en 1915.
Marquages : "St. 31 R.Nr. 42-46" et "M.G. Nr. 7697 - 08/15".
A gauche de l’embrasure, sur le mur, est peint en noir le panorama de tir de la mitrailleuse, son emplacement, deux flèches et des distances en mètres. On reconnaît : au centre, l'entrée de la rade de Lorient (à 2 100 m) : à gauche, une balise (à 600 m, le Feu Aimé près de l’Île Saint-Michel ?) et la citadelle de Port-Louis ; à droite, la Villa Margaret sur la pointe de Kernevel (1 100 m), quartier général de la Kriegmarine et un bois (à 800 m).
Sur le linteau de l’embrasure, on peut également lire des inscriptions écrites à la craie blanche : "2550 D.M" ; "1080 F.M.".
A l’extérieur, l’embrasure de forme rectangulaire est revêtue en bois avec un profil anti-ricochet en gradin (Trepenscharte). L’intérêt de ce profil est éviter les "coups d’embrasure" ou "effet entonnoir" ; l’intérêt du bois, en lieu et place du béton, est que les projectiles s’y fichent évitant ainsi les éclats.
Lors de tirs de nuit, la lumière intérieure devait être coupée.
L'armement : une mitrailleuse modèle 1908, modernisée en 1915
Comme l’indique l’inscription, la casemate était armée par une MG 08/15, MG étant l’abréviation de Maschinengewehr, mitrailleuse ; 08/15 désignant le modèle. La mitrailleuse est utilisée en position fixe sous casemate sur "affût de forteresse" ; affût et montage de la mitrailleuse ne sont pas spécifiés.
Entrée en service en 1915 et introduite dans les unités à partir de 1917, la MG 08/15, est une évolution de la MG 08. Plus légère de 40 kg que le modèle 1908 et surtout plus mobile, cette version pèse néanmoins près de 18 kg.
Cette arme automatique tire en rafale des projectiles d’un calibre de 7,92 mm à 840 m/s, à une cadence de 400 à 500 coups par minute (la cadence est réglable), pour une portée pratique de 400 m (c’est la distance maximale d'emploi réaliste). Compte-tenu de sa cadence de tir extrêmement rapide et de l’échauffement du tube, le refroidissement du canon se fait par eau. Son approvisionnement se fait par des bandes en toile de 50, 100 et 250 coups ou par un chargeur de 50 coups.
Un équipage estimé à trois soldats
L’équipage de cette casemate pour une mitrailleuse était vraisemblablement de trois soldats soit, un soldat au maniement de l’arme, les deux autres à l’approvisionnement en munition. Aucune fixation de couchettes tubulaires n'est conservée.
Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.