Cette casemate pour trois mitrailleuses est implantée dans l'angle nord du bunker Keroman III : elle est englobée dans l’extension nord-est. Construite en béton armé sur un plan-type spécial, elle est dotée de trois chambres de combat.
L’accès au vestibule de la casemate se fait depuis l’extension nord-est du bunker KIII par une porte légère étanche (182 cm x 82 cm) aux angles arrondis peinte en vert. En sus des deux clenches de fermeture d'origine, une serrure de porte en applique a été ajoutée. La plaque constructeur a été peinte : "Fenestra G.m.b.H. [acronyme de Gesellschaft mit beschränkter Haftung, société à responsabilité limitée] Düsseldorf / RL3 - 38/50 / Schutzraumtür [porte d’abri] / Vertrieb gemäss § 8 Luftschutzgesetz genehmigt", [Ventes approuvées conformément à la loi sur la défense antiaérienne]. Son judas - œilleton, également étanche, est marqué "FENESTRA GmbH DÜSSELDORF".
Les chambres de combat
Trois portes, dont deux blindées à deux vantaux (vraisemblablement de type 434P01) pour les chambres de combat nord-ouest et sud-ouest (la troisième, légère et étanche semble être de type 723P3), isolent le vestibule des trois chambres de combat. Chaque chambre de combat est reliée au système de ventilation - avec ou sans filtration contre les gaz selon la situation - avec une bouche de soufflage à vis réglable en métal dotée d'une vanne d'arrêt et une bouche de surpression à clapet à contrepoids en aluminium (modèle 4ML01 de marque Dräger, diamètre 100 mm, à quatre boulons) située près de l’embrasure.
Les chambres de combat nord et sud-ouest disposent chacune d’un espace dédié pour le couchage des soldats, en l’occurrence un niche allongée au nord et une petite pièce au sud-ouest. Dans ces deux espaces sont conservées les fixations murales et crochets pour six couchettes tubulaires. La chambre de combat nord-ouest devait également posséder un emplacement pour le couchage des soldats.
Les murs de cette casemate ont conservé leurs peintures murales d’origine : ocre jaune en chiffon dans le vestibule (les zones dépourvues de peinture attestent de la présence d’un lit superposé ou d'une étagère), ocre jaune à deux tons et liseré vert dans les couloirs et les chambres de combat.
Les postes de tir
Les trois mitrailleuses abritées dans cette casemate assuraient la défense rapprochée du bunker KIII en lien avec les mitrailleuses de la casemate immédiatement située à côté de la porte nord-ouest et celles de la casemate ouest. Chaque embrasure pour mitrailleuse permet le tir dans un secteur différent : vers le nord, vers le nord-ouest et vers le sud-ouest. L’embrasure sud-ouest bat l'entrée nord-ouest du bunker III.
Chaque chambre de combat est protégée par une plaque blindée en acier pour mitrailleuse (Schwere Stahl - Schartenplatte für MG) coulée dans le béton armé. Il s’agit d’une plaque modèle 7P7, d’une taille de 3,40 m x 2,70 m et 10 cm d’épaisseur pour un poids de 7,5 t, avec orifice de tir rectangulaire (22 cm x 30 cm) et volet d’occultation manuelle de 8 cm d’épaisseur (95 kg). Grâce à un joint en feutre, l’ouverture de tir pouvait être rendue étanche en cas d’attaque au gaz. La fente d’observation, normalement accolée à l’ouverture de tir, est noyée dans le béton.
Un socle en béton armé, accolé à la plaque blindée, sert de support à un "affût de forteresse", sellette d’affût prenant la forme d’un rail à encoche [en place], sur lequel venait se fixer le traineau coulissant de l’affût de la mitrailleuse [disparu].
Un bouclier de protection (Schutzschild) équipait vraisemblablement la mitrailleuse.
Chaque chambre de combat dispose d’un cartouche sur fond vert, voire de deux, avec des marquages à lettrage blanc qui lui sont propre.
Premier cartouche : "St.", abréviation de Stande, abri, position en allemand, suivie du numéro de cette dernière ; "R.Nr.", abréviation de Nummer, numéro précédé de "R." (abréviation en rapport avec le champ de tir ?), suivi de deux numéros séparés par un tiret.
Deuxième cartouche : "M.G.", abréviation de Maschinengewehr, mitrailleuse, c’est le type d’arme, ici une arme automatique, "Nr.", abréviation de Nummer, numéro suivi du numéro d’inventaire de cette dernière, un tiret et "08/15" qui nous renseigne sur le modèle de la mitrailleuse : un modèle 1908, modernisé en 1915.
Chambre de combat nord : deux cartouches, "M.G. Nr. 2[?]5 08/15" et "St. 31 R.Nr. 60-64" ;
Chambre de combat nord-ouest [elle est partiellement inondée] : un seul cartouche, "St. 32 R.Nr. 65+66 [inscription quasiment illisible]" ;
Chambre de combat sud-ouest : un cartouche, "St. 33 [inscription difficilement lisible]; R. Nr. 67+68".
A l’extérieur, les embrasures de forme rectangulaire sont revêtues en bois avec un profil anti-ricochet en gradin (Trepenscharte), mais elles ont murées. Le pied de la casemate est traité de la même manière, mais en béton. L’intérêt de ce profil est éviter les "coups d’embrasure" ou "effet entonnoir" ; l’intérêt du bois, en lieu et place du béton, est que les projectiles s’y fichent évitant ainsi les éclats.
Lors de tirs de nuit, la lumière intérieure devait être coupée.
L'armement : trois mitrailleuses modèle 1908, modernisées en 1915
Comme l’indique les inscriptions, chaque poste de tir de cette casemate était armé par une MG 08/15, MG étant l’abréviation de Maschinengewehr, mitrailleuse ; 08/15 désignant le modèle. La mitrailleuse est utilisée en position fixe sous casemate sur "affût de forteresse" ; affût et montage de la mitrailleuse ne sont pas spécifiés.
Entrée en service en 1915 et introduite dans les unités à partir de 1917, la MG 08/15, est une évolution de la MG 08. Plus légère de 40 kg que le modèle 1908 et surtout plus mobile, cette version pèse néanmoins près de 18 kg.
Cette arme automatique tire en rafale des projectiles d’un calibre de 7,92 mm à 840 m/s, à une cadence de 400 à 500 coups par minute (la cadence est réglable), pour une portée pratique de 400 m (c’est la distance maximale d'emploi réaliste). Compte-tenu de sa cadence de tir extrêmement rapide et de l’échauffement du tube, le refroidissement du canon se fait par eau. Son approvisionnement se fait par des bandes en toile de 50, 100 et 250 coups ou par un chargeur de 50 coups.
Un équipage estimé à neuf soldats
L’équipage de cette casemate pour trois mitrailleuses était vraisemblablement de neuf soldats soit, trois soldats par mitrailleuse, l’un au maniement de l’arme, les deux autres à l’approvisionnement en munition. Ils subsistent les fixations pour six couchettes tubulaires.
Chargé d'études d'Inventaire du patrimoine à la Région Bretagne.